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EXTRAITS
EXTRAIT
DE L'INTRODUCTION
EXTRAIT DU CHAPITRE 2 : PROTAGONISTE-OBJECTIF
PREMIER EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : CARACTÉRISATION
DEUXIÈME EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : CARACTÉRISATION
PREMIER EXTRAIT DU CHAPITRE 5 : STRUCTURE
DEUXIÈME EXTRAIT DU CHAPITRE 5 : STRUCTURE
EXTRAIT DU CHAPITRE 7 : PRÉPARATION
EXTRAIT DU CHAPITRE 8 : IRONIE DRAMATIQUE
PREMIER EXTRAIT DU CHAPITRE 9 : COMÉDIE
DEUXIÈME EXTRAIT DU CHAPITRE 9 : COMÉDIE
EXTRAIT DU CHAPITRE 10 : DÉVELOPPEMENT
EXTRAIT DU CHAPITRE 13 : DIALOGUE
EXTRAIT DU LEXIQUE
EXTRAIT DE L'INTRODUCTION
« Raconte-moi une histoire »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le camp de
concentration de Stutthof, une femme du nom de Flora dirigeait un théâtre
de pain. Avec une partie de sa maigre ration, elle modelait de petites
figurines. Le soir, en cachette dans les toilettes, elle et quelques
prisonnières animaient ces acteurs de mie devant des spectateurs
affamés et promis au massacre. Jusqu'à la fin. Cette histoire
a été rapportée à Joshua Sobol par une survivante
de la Shoah, Irena Lusky, à l'époque où Sobol faisait
des recherches sur le théâtre du ghetto de Vilnious pour
sa pièce Ghetto. Il existe nombre d'anecdotes similaires.
Je pense à Germaine Tillion, qui écrivit une opérette
à Ravensbrück, à Alexeï Kapler, cinéaste
enfermé au camp de Vorkouta où il animait une troupe de
théâtre, ou encore à l'aventure du magazine Vedem
dans le camp de Theresienstadt. On le voit, même dans les circonstances
les plus terribles, l'être humain a besoin d'histoires.
Ce n'est pas un besoin superflu. On peut vivre sans faire de sport,
sans voir du pays, sans faire d'enfant... On ne peut pas vivre sans
histoires. Le récit, qu'on l'adresse à soi-même
ou aux autres, qu'il soit rapporté de la réalité
ou inventé, que sa forme soit littéraire ou dramatique,
réaliste ou symbolique (cf. les paraboles bibliques ou les contes
de fées) est aussi vital à notre psychisme que l'oxygène
à notre organisme. Dans Psychanalyse des contes de fées
[16], Bettelheim démontre combien le conte est utile à
l'enfant. Pas seulement parce qu'il le distrait et nourrit son imaginaire
mais aussi, et surtout, parce qu'il l'aide à résoudre
ses conflits, lui donne de l'espoir pour l'avenir et lui permet de mûrir
sans devenir psychotique. En bref, parce qu'il l'aide à vivre.
Une forme de récit fascinante
Devenu adulte, l'être humain a toujours autant
besoin d'histoires. En premier lieu, bien sûr, elles servent toujours
à distraire, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire
"entraîner ailleurs", faire oublier le quotidien. Mais
elles font beaucoup plus que cela. Après tout, un feu d'artifice,
un verre d'alcool, un match de football, un jeu télévisé,
une visite de la Tour Eiffel savent aussi distraire. Ce qu'ils ne savent
pas faire, c'est nous faire entrer dans la pensée et, surtout,
les émotions de l'autre. Ce qui n'est pas banal. Un être
humain connaît bien sa pensée, ses désirs et ses
émotions parasites , et assez mal son image. Pour les gens qui
nous entourent, c'est l'inverse. Nous connaissons plus leur image et
leurs émotions que leur pensée ou leurs désirs.
La dramaturgie a cette faculté de réunir le tout, de faire
communier image, pensée, désir et émotion, de permettre
au spectateur de se fondre partiellement dans l'autre.
Il est également remarquable que cet autre soit à la fois
un personnage - nous allons bientôt l'appeler le "protagoniste"
- et l'auteur qui se cache derrière, comme Flaubert se cachait
derrière Emma Bovary (Madame Bovary). En dramaturgie,
les exemples abondent : Sophocle se cache derrière le vieil dipe
(dipe à Colonne), Molière derrière
Arnolphe (L'école des femmes), Hitchcock derrière
Christopher Balestrero (Henry Fonda dans Le faux coupable),
Hergé derrière Tintin, les Dupondt et le capitaine Haddock
réunis (Tintin), etc. Entre Charlot et Chaplin,
la relation est encore plus évidente. La dramaturgie crée
donc un double lien : entre l'auteur et le spectateur, ce qui est propre
à tous les arts, et entre le personnage et le spectateur, ce
qu'on appelle l'identification. Freud [62], Nietzsche [128] et d'autres
affirment que ce phénomène d'identification est l'un des
plaisirs fondamentaux du drama. Il a probablement une origine biologique
(les neurones miroirs) ainsi qu'un intérêt thérapeutique.
En Inde, il paraît que certains médecins racontent à
leurs patients une histoire appropriée aux symptômes de
ceux-ci, au lieu de leur prescrire des médicaments.
On notera également que la dramaturgie entretient de singulières
ressemblances avec le monde du rêve. En effet, l'être humain
est à la fois acteur et spectateur de ses propres rêves,
même si ceux-ci ne racontent pas toujours une histoire. Or, c'est
précisément la position du spectateur quand il s'identifie
au protagoniste d'une uvre dramatique. Et le rêve, on le
sait, est, lui aussi, une nourriture vitale pour notre psychisme.
Les origines du drama
La dramaturgie est au cur de tout être
humain. Les historiens du théâtre ont pour habitude de
faire naître la dramaturgie du rite religieux. L'imitation des
actions humaines (ou divines) a d'abord eu lieu dans un espace sacré
et les premiers acteurs étaient des prêtres - y compris
dans les civilisations dites primitives. Les premiers sujets étaient
les activités humaines fondamentales (naissance, mort, chasse,
etc.) et les éléments naturels (orage, soleil, germination,
etc.). Petit à petit, la représentation s'est enrichie.
Et puis, surtout, elle est passée du sacré au profane,
même si, nous allons le voir, elle a gardé quelque chose
de son caractère religieux (au sens étymologique du terme).
En Occident, ce phénomène a eu lieu à deux reprises
: au VIème siècle avant J.C. en Grèce et à
la fin du Moyen-Âge en Europe.
Mais je vois une autre origine au drama, de nature différente
et peut-être plus profonde. Un bébé qui apprend
à marcher ou à parler est mû par une force instinctive
: l'imitation. C'est-à-dire qu'il représente les actions
humaines de ses parents ou de ses frères et surs. Un peu
plus tard, l'enfant ne cesse d'imiter ses aînés. Il fait
même plus que cela : il se crée des univers plus ou moins
fictifs et y joue des rôles. Fabulation et dédoublement
font partie de sa vie quotidienne. De fait, en nous plaçant dans
cette zone symbolique qui se trouve entre réalité et fantaisie,
la dramaturgie s'apparente au jeu du " faire semblant " des
enfants. On peut même avancer qu'elle en constitue l'équivalent
adulte. En bref, le premier acteur-spectateur-auteur dramatique ne serait
pas le sorcier pygmée ou le prêtre grec mais l'enfant que
nous avons tous été. C'est, en partie, pourquoi il sera
souvent question de lui dans cet ouvrage. On remarquera que l'enfant
est d'abord spectateur, ensuite auteur (adaptateur, plus exactement)
et enfin acteur.
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EXTRAIT DU CHAPITRE 2 : PROTAGONISTE - OBJECTIF
Quatre conditions essentielles
Il ne suffit pas, pour réussir une histoire,
de donner un objectif unique à son protagoniste. Il est aussi
indispensable :
1- que cet objectif soit connu, ou au moins perçu, du spectateur
assez rapidement au début du récit. Tant que le spectateur
ne ressent pas (plus ou moins consciemment) la volonté du protagoniste,
l'action n'a pas commencé et le spectateur ignore ce qu'on lui
raconte. Cette sensation n'est pas agréable très longtemps.
Cette première condition impose que l'auteur connaisse l'objectif
de son protagoniste. C'est le seul moyen de construire une histoire
rigoureuse ;
2- que l'objectif soit motivé. Le protagoniste doit faire partager
son envie au spectateur. Si celui-ci ne comprend pas l'objectif (à
défaut de l'approuver), il n'y a pas d'enjeu. Nous en avons parlé
plus haut ;
3- qu'il soit particulièrement difficile au protagoniste d'atteindre
son objectif. Il ne faut pas pour autant que ce soit trop dur ou, pire,
impossible. C'est l'une des grandes difficultés du métier
d'auteur dramatique que de savoir doser les obstacles. Nous allons y
revenir amplement dans le chapitre suivant ;
4- que le protagoniste soit animé d'un intense et inébranlable
désir d'atteindre son objectif. On ne doit pas avoir l'impression
que cela ne lui coûtera pas trop d'abandonner en cours de route.
Plus le protagoniste en veut, plus le spectateur se passionnera pour
son histoire. Qu'on pense à Antigone (Antigone)
qui est prête à braver la mort pour offrir à son
frère une sépulture digne. A Galilée (La
vie de Galilée) qui affronte la Terre entière (et
même la peste) tellement son désir de savoir et de prouver
est fort. A Baptiste (Jean-Louis Barrault), dans Les
enfants du paradis, qui est balancé par la fenêtre
par Avril (Fabien Loris) et qui revient pas la porte - en général,
chez les gens qui en veulent, c'est l'inverse : on les met à
la porte, ils reviennent par la fenêtre. A Hildy (Rosalind Russell),
dans La dame du vendredi, qui pour
obtenir un scoop n'hésite pas à courser un témoin,
en tailleur et escarpin, et à l'arrêter par un plaquage
de rugby. A Ethan (John Wayne), dans La prisonnière
du désert, qui parcourt l'Ouest américain pendant
une quinzaine d'années pour retrouver sa nièce. A Zé-do-Burro,
dans La parole donnée, qui résiste au clergé,
à la police, à la presse, aux fanatiques et aux commerçants
- excusez du peu ! - pour pouvoir déposer une croix dans une
église. A McMurphy (Jack Nicholson), dans Vol
au-dessus d'un nid de coucou, qui a tellement envie de voir son
baseball qu'il s'invente un match imaginaire devant un écran
noir (cf. page 537). A Ahmad (Babak Ahmadpoor), dans Où
est la maison de mon ami ?, qui demande à sa mère
(Iran Outari) la permission de sortir jusqu'à ce qu'elle cède.
A Krimo (Osman Elkharraz), dans L'esquive, qui donne tout
ce qu'il a (rollers, baskets, console vidéo, etc.) à Rachid
(Rachid Hami) en échange du rôle d'Arlequin qui permettra
à Krimo d'être aux côtés de la jeune fille
qu'il a envie de séduire. A Gabrielle (Eva Longoria), dans le
tout premier épisode de Desperate housewives, qui
va jusqu'à tondre sa pelouse à minuit, en tenue de soirée,
pour empêcher son mari de découvrir qu'elle couche avec
le jardinier.
Ce n'est pas un hasard si un exemple tiré de Desperate
housewives vient naturellement. Car l'uvre tient les promesses
de son titre. En anglais, "desperate" signifie autant "prêt
à tout" que "désespéré".
De fait, les quatre protagonistes de la série se battent, se
démènent, font preuve d'audace et d'ingéniosité
pour sortir des situations conflictuelles dans lesquelles elles se trouvent.
Un certain nombre d'uvres dramatiques laissent
un goût d'insatisfaction parce que le protagoniste ne fait pas
tout pour atteindre son objectif. Dans Premiers
pas dans la mafia, par exemple, le protagoniste (Matthew Broderick)
se fait copieusement duper - entre autres choses, on le marie de force
-, il n'est pas content, il proteste vaguement, mais il ne fait pas
grand-chose pour s'en sortir, il se laisse balloter.
Comment imaginer que le spectateur ait envie que le
protagoniste atteigne son objectif si celui-ci s'en fiche, n'agit pas
ou même rechigne à la tâche ? C'est la raison de
l'échec de Quatre de l'espionnage.
Hitchcock [88] s'en explique très bien : « Je crois
savoir pourquoi le film n'était pas réussi. Dans un film
d'aventures, le personnage principal doit avoir un but, c'est vital
pour l'évolution du film et la participation du public qui doit
soutenir ce personnage et je dirais presque l'aider à atteindre
ce but. Dans Quatre de l'espionnage,
le héros a une besogne à accomplir (NB : tuer quelqu'un),
mais cette besogne lui répugne et il cherche à l'éviter.
»
En fait, on pourrait avancer que le protagoniste de
Quatre de l'espionnage (John Gielgud)
a deux objectifs contradictoires : le premier, tuer quelqu'un, lui a
été fourni par ses supérieurs, le second est d'éviter
cette besogne. Malheureusement pour la qualité du film, le premier
objectif manque de nerf et le second n'est pas traité. Quatre
de l'espionnage fait partie de ces uvres dans lesquelles
une mission est confiée à un personnage, souvent un soldat,
un policier, un espion ou un détective. Pour que ce type d'uvre
fonctionne, il est nécessaire que le futur protagoniste soit
motivé par la mission et s'approprie l'objectif qu'on lui donne.
Plus délicat encore : le cas des protagonistes
à qui on donne un objectif de force. C'est ce qui arrive à
Gabe Walker (Sylvester Stallone) dans Cliffhanger. Il
est pris en otage par des méchants et passe une partie du film
à accomplir des actions qu'il n'a pas envie de faire. D'un côté,
on comprend qu'il s'exécute pour sauver sa vie et celle de ses
proches. D'un autre côté, on n'a pas envie qu'il réussisse
car cela aide les méchants à commettre un crime. Cette
position est inconfortable. Pour que ce type d'uvre fonctionne,
il faut que le protagoniste se donne clairement un objectif personnel,
en plus de celui qu'on l'oblige à avoir : échapper à
la menace ou/et neutraliser les méchants.
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PREMIER
EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : CARACTÉRISATION
Le
prince charmant d'un couple fusionnel
Autre personnage discutable et couronné de succès
: Jack (Leonardo DiCaprio) dans Titanic. A côté
de qualités narratives et spectaculaires indéniables,
le film lui doit, à mon avis, une partie de son attrait. Car
Jack est ce qu'on appelle un Sauveteur avec un grand S. Qu'on en juge
: en l'espace de quelques jours, il sauve Rose (Kate Winslet) du suicide,
de l'ennui, de la frigidité, du mariage, de l'aristocratie et
une deuxième fois de la mort ! Et en plus il fait tout cela en
sacrifiant sa propre vie. C'est très malin de la part de James
Cameron. En créant un personnage de super Sauveteur, quasiment
aussi fort que le Christ, le scénariste de Titanic
nous propose le prince charmant que beaucoup d'hommes rêvent d'être
et que beaucoup de femmes rêvent de rencontrer. Malheureusement,
Mesdames et Mesdemoiselles, dans la vie, la vraie, les princes charmants
n'existent pas. Titanic propose une vision de l'amour
destinée à des enfants de 4 ans : une jeune femme souffre
et, au lieu de se prendre en charge et de trouver en elle-même
son sauveteur intérieur (avec un petit s), elle tombe sur le
beau Leonardo avec son esprit libre, son sens du sacrifice et sa philosophie
de moine bouddhiste de 75 ans. Bref, les femmes qui ont rêvé
d'un Jack pour leur propre vie en voyant le film risquent, à
mon avis, d'être terriblement déçues.
On remarquera en outre que Titanic décrit la première
phase d'une histoire d'amour, la phase fusionnelle. C'est la phase où
tout va bien, où 1 + 1 = 1, où l'autre n'a que des qualités,
où l'on est amoureux, où les émotions sont fortes
et délicieuses. On peut regretter que le cinéma, tout
comme le théâtre ou la littérature, s'intéresse
moins à la deuxième phase d'une relation sentimentale
et surtout pas à la troisième, celle où 1 + 1 =
3 (i.e. soi, l'autre et le couple). L'immense majorité des histoires
d'amour décrivent en effet le moment qui précède
ou qui suit immédiatement la rencontre. La suite, comme dans
les contes de fées, implique que le couple vivra uni et heureux
jusqu'à la fin de ses jours. On sait tous que dans la vraie vie,
cela se passe rarement ainsi. "La chose la plus réconfortante
que l'on puisse montrer à ses enfants", disait Françoise
Dolto [47], "c'est une vie de couple qui résiste au temps."
Et si la chose la plus réconfortante que l'on puisse montrer
à des spectateurs était une vie de couple qui résiste
au temps ?
On trouvera plusieurs explications à cette lacune assourdissante.
D'abord le fait que la partie "lune de miel" d'une relation
amoureuse est la partie la plus forte en émotions et en spectacle.
Le fait aussi que beaucoup d'artistes se projettent dans ce qu'ils écrivent
et sont plus habitués à tomber amoureux qu'à faire
vivre une romance sur la durée. Parmi les exceptions, c'est à
dire les uvres qui s'intéressent à la vie de couple
après la phase fusionnelle, on peut citer Voyage en Italie
ou la septième saison de Desperate housewives avec
le couple Tom-Lynette (Doug Savant, Felicity Huffman). Ou encore un
court métrage ironiquement intitulé Ages ingrats
dans lequel un vieux couple (Macha Méril, Philippe Nahon) est
mis à l'épreuve au moment de fêter ses trente ans
de mariage. Ces exceptions démontrent qu'une vie de couple qui
résiste au temps n'est pas nécessairement une vie exempte
de conflit. On peut aussi citer, bien sûr, des récits dans
lesquels la phase 2 du couple s'éternise comme un jour sans pain
: Le chat, Mariage, Qui a peur de
Virginia Woolf ?, Scènes de la vie conjugale,
Une femme sous influence, L'usure du temps
ou Nous ne vieillirons pas ensemble. Mais devant des cas
aussi désespérants, on aurait presque envie de retomber
dans les bras de Jack !
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DEUXIÈME EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : CARACTÉRISATION
D. EXEMPLES DE CARACTÉRISATIONS REMARQUABLES
S'il est un domaine où les goûts personnels du spectateur entrent en considération, c'est bien la caractérisation. C'est pourquoi le choix des personnages remarquables cités ci-dessous est empreint de mes goûts, de ma subjectivité et ne doit être considéré que comme une piste d'intérêt. Chaque lecteur corrigera les listes qui suivent à sa guise.
Qu'est-ce qui rend un personnage attachant ?
Les personnages qui sauvent la planète avec leur pénis et un couteau m'ennuient profondément. Je préfère Haddock à Tintin, Obélix à Astérix, Falstaff à Prince Henry (Henry IV), Cyrano de Bergerac à Christian, l'Agent 86 (Don Adams dans Max la menace) à l'Agent 007 (James Bond). Sans la maladresse de Clark Kent, Superman serait à mon goût insupportable. Idem de Spiderman sans la timidité de Peter Parker. C'est en sympathisant avec Perrin-Pignon (Jacques Brel, Pierre Richard ou Jacques Villeret) que Milan (Lino Ventura), Campana (Gérard Depardieu) ou Brochant (Thierry Lhermitte) deviennent plus humains. D'ailleurs, métaphoriquement, de nombreux films écrits par Francis Veber (L'emmerdeur, La chèvre, Les compères, Les fugitifs, Le dîner de cons) racontent comment un fort s'humanise en apprivoisant la partie faible qui est en lui, son côté Pignon.
A force de fréquenter le répertoire,
j'ai remarqué des éléments constants chez les personnages
qui me touchaient. En prenant donc exemple sur :
- Antigone (Antigone)
- dipe (dipe roi),
- Falstaff (Henry IV),
- Othello (Othello),
- Lear (Le Roi Lear),
- Arnolphe (L'école des femmes),
- Nora (Maison de poupée),
- Cyrano (Cyrano de Bergerac),
- Charlot (Charles Chaplin),
- Laurel et Hardy,
- Mère Courage (Mère Courage
et ses enfants),
- Galilée (La vie de Galilée),
- George Bailey (James Stewart) dans La vie
est belle,
- Cody Jarrett (James Cagney) dans L'enfer
est à lui,
- Will Kane (Gary Cooper) dans Le train sifflera
trois fois,
- Annie Sullivan (Miracle en Alabama),
- C.C. Baxter (Jack Lemmon) dans La garçonnière,
- Thomas More (Thomas More),
- Felix (Tony Randall) dans The odd couple,
- César (Yves Montand) dans César
et Rosalie,
- Dersou Ouzala (Maksim Munzuk) dans Dersou Ouzala,
- McMurphy (Jack Nicholson) dans Vol au-dessus
d'un nid de coucou,
- Franck Poupart (Patrick Dewaere) dans Série
noire,
- Pupkin (Robert de Niro) dans La valse des
pantins,
- Charlotte (Charlotte Gainsbourg) dans L'effrontée,
- Ahmad (Babak Ahmadpoor) dans Où est
la maison de mon ami ?,
- Alice (Mia Farrow) dans Alice,
- Phil Connors (Bill Murray) dans Un jour
sans fin,
- Peter Duffley (Jim Broadbent) dans The Peter
principle,
- Christian (Ulrich Thomsen dans Festen),
- Mulan (Mulan),
- Erin Brokovitch (Julia Roberts) dans Erin
Brockovich,
- Carla (Emmanuelle Devos) dans Sur mes lèvres,
- Michael Scofield (Wentworth Miller) dans la saison 1 de Prison
break,
j'ai repéré les éléments suivants :
1. Ils ne sont pas parfaits, loin de là. Ce
ne sont pas des super héros plein de muscles et de matière
grise. Ils ont une faille, des travers, des complexes, ils sont handicapés
au sens large. dipe est aveugle et impétueux (en plus d'être
maudit). Nora est naïve. Cyrano est difforme et lâche en
amour. Mère Courage est vénale. Felix Unger est maniaque.
César est jaloux. Charlotte est envieuse. Peter est gravement
incompétent. Charlot est pauvre. Ahmad est un enfant (dans un
monde d'adultes), Mulan une femme (en Chine moyenâgeuse). Jarrett,
Pupkin et McMurphy sont à la limite du psychotique. Idem de Franck
Poupart, bel exemple de gamin de 4 ans dans un corps d'adulte.
2. Ils ne sont ni blancs, ni noirs. Cela ne veut pas
dire qu'ils sont bourrés de contradictions dans tous les domaines,
à la fois lâches et courageux, optimistes et pessimistes,
avares et prodigues. Ils peuvent être entiers dans chaque domaine.
Simplement, s'ils ont des défauts, ils ont aussi des qualités.
Et vice-versa. Antigone, dipe, Felix, George Bailey et Will Kane
sont intègres. Cyrano est physiquement courageux. César
est plein de charme. Mulan est astucieuse. Falstaff adore la vie. Laurel
et Hardy ont la candeur d'un enfant.
3. Plus spécifiquement, ils ont parfois une
qualité remarquable, une petite compétence, quelque chose
qui peut s'avérer utile. Charlot sait tout faire dans la minute,
prêtre, boxeur, funambule. Cyrano écrit de merveilleux
poèmes. George Bailey a des amis. Dersou sait comment survivre
dans la toundra. Carla sait lire sur les lèvres. Michael Scofield
est sacrément malin. Parfois, leur seule ressource est de nous
faire rire. Laurel et Hardy ou Peter Duffley seraient sûrement
moins attachants s'ils ne nous amusaient pas. Parfois encore, ils n'ont
pas grand chose pour eux à part leur persévérance
- ce qui rejoint la caractéristique n°5. Oui, mais quelle
qualité, la persévérance, que ce soit dans la vie
ou en dramaturgie !
4. Ils vivent du conflit. Nous en avons abondamment
parlé. Un personnage qui n'a pas d'ennuis dans sa vie est un
personnage ennuyeux dans sa fiction. Lear est dépouillé
de son royaume, de sa suite, de ses filles, de sa raison et finalement
de sa vie. Othello est aveuglé par la jalousie. Courage perd
ses enfants. Antigone, Will Kane et Thomas More sont bien seuls face
à l'adversité. McMurphy encaisse frustration sur frustration.
Laurel et Hardy, échec sur échec. Alice est dépassée
par la vie. Phil Connors est coincé dans le même jour sinistre.
La blessure de Christian est violemment niée. Le conflit peut
prendre la forme de la culpabilité. C'est ce qui rend attachant
George (Montgomery Clift) dans Une place au soleil par
opposition à Chris (Jonathan Rhys Meyers) dans Match point.
Les deux vont loin pour s'élever dans la hiérarchie sociale
mais le second n'a pas plus de conscience morale qu'un reptile. George
est bien plus humain.
5. Ils se démènent, ils n'attendent pas
qu'on les sauve comme Rose (Kate Winslet) dans Titanic
(cf. plus haut). Ils prennent leur destinée en main. Ils
en veulent (cf. aussi page 70). Ce sont des battants, chacun à
leur façon. dipe enquête jusqu'au bout. Pupkin kidnappe
une vedette (Jerry Lewis) pour devenir comédien. Arnolphe fait
tout pour séparer Agnès d'Horace. Galilée résiste,
s'obstine, parfois contourne l'obstacle. Idem de Thomas More qui utilise
toutes les astuces du droit pour éviter la décapitation.
Annie Sullivan se bat jusqu'à l'épuisement pour obliger
Helen Keller à manger. Erin Brockovich remue ciel et terre contre
Goliath. McMurphy invente un match de baseball imaginaire. Carla, la
paumée sociale, la secrétaire-paillasson naïve, trouillarde
et sexuellement frustrée, refuse de subir. Elle fait même
preuve d'un sacré caractère dans certaines circonstances.
Elle commence par choisir un marginal, Paul (Vincent Cassel), pour l'assister.
Comme si son inconscient, qui sait ce qui est bon pour elle, avait senti
qu'il lui fallait un type comme Paul pour secouer sa vie. Quand l'un
de ses collègues la double, elle demande à Paul de voler
un dossier. Et elle lui met la pression : « Vous me devez quelque
chose ». Bref, Carla, comme tous les personnages ici présents,
est tout sauf une héroïne de mélodrame - alors qu'elle
en a les caractéristiques.
6. Parfois, ils jouent à « Oui, mais...
». Oui, j'ai envie de changer, d'atteindre mon objectif, mais
j'ai soudain un doute. J'ai peur du vide, de ce que je ne connais pas,
peur de quitter mes béquilles, de ne pas y arriver. Comme le
dit Hamlet dans son fameux monologue (Hamlet),
nous ne faisons rien et supportons nos maux par peur d'affronter ceux
que nous ne connaissons pas. Sans pour autant, aller dans l'extrême
du cas d'Hamlet qui procrastine sur la durée, on sent tous ces
personnages, à un moment ou à un autre, au bord du renoncement.
Le « Oui, mais... » le plus colossal du répertoire
est celui d'dipe. Quand Tiresias lui donne la solution, il pourrait
atteindre son objectif dès le début de la pièce.
Oui, mais dipe a peur de la vérité. Cela dit, on
peut le comprendre. Alors qu'il retrouve sa fleuriste bien-aimée,
Charlot préfère s'en aller. Will Kane est à deux
doigts de prendre un cheval et de s'enfuir. C.C. Baxter va se saouler
dans un bar quand il apprend que la femme qu'il aime est déjà
prise. Phil Connors essaie de se suicider pour échapper à
la répétition interminable d'un jour de sa vie. Christian
est prêt à quitter la "fête". Michael Scofield
a un gros moment de découragement (Prison break,
1.17). "Tu dois avoir la foi", lui dit son frère
(Dominic Purcell).
Cette sixième caractéristique est toutefois
à manipuler avec soin. Nous l'avons vu, un protagoniste auquel
on s'identifie est un protagoniste qui en veut. Quand Cyrano hésite
alors qu'il a réussi à séduire Roxane (fin de l'Acte
IV), certains ne le trouvent plus attachant mais agaçant. Un
peu comme Stevens (Anthony Hopkins), dans Les
vestiges du jour, quand il n'arrive pas à avouer son amour
(cf. plus haut). Un protagoniste qui se respecte peut avoir un moment
de doute - cela l'humanise - mais il ne doit pas trop tarder à
remonter sur le ring.
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PREMIER EXTRAIT DU CHAPITRE 5 : STRUCTURE
Un nud dramatique particulier
L'immense majorité des pièces de théâtre possèdent une structure simple : premier acte - deuxième acte - troisième acte, avec un incident déclencheur dans le premier acte et un climax à la fin du deuxième acte. Ce qui donne le schéma suivant :
Ce schéma simple et logique
est tellement ancré dans l'inconscient des auteurs et des spectateurs
qu'on le retrouve partout, y compris dans de nombreux documentaires
(cf. Roger et moi page 498) ou dans un récit aussi
atomisé que celui de 21 grammes. Dans le film écrit
par Guillermo Arriaga, un père de famille est renversé
par une voiture, en compagnie de ses deux fillettes, et meurt. C'est
l'incident déclencheur. Le film suit le parcours de sa veuve
(Naomi Watts), du chauffard (Benicio Del Toro) et de l'homme qui se
fait transplanter le cur de la victime (Sean Penn). La grande
originalité du film est de proposer les multiples éléments
de ces trois intrigues dans le désordre le plus total et d'inviter
le spectateur à recoller mentalement les morceaux du puzzle.
Mais le récit n'est pas aussi déconstruit qu'il en a l'air.
L'essentiel de l'incident déclencheur est montré au bout
de 25 minutes de film (sur un peu moins de 2 heures) et l'essentiel
du climax 5 minutes avant la fin. En d'autres termes, même 21
grammes respecte le schéma ci-dessus.
La structure enrichie
Les pièces bien faites du XIXème siècle
ont, petit à petit, fait apparaître une structure un peu
différente, un enrichissement de la structure simple, qui a surtout
été développée, ensuite, par le cinéma
- ce qui ne veut pas dire que tous les films l'utilisent. Cela consiste
à introduire un coup de théâtre au début
du troisième acte de façon à relancer l'action.
Comme si l'auteur disait au public : « Stop ! Ne partez pas !
Certes, je viens de conclure l'action mais la réponse dramatique
n'est peut-être pas la bonne, quelque chose survient qui remet
tout en cause et pousse le protagoniste à reprendre son objectif
(attention ! le même objectif) ». Cela entraîne donc
une deuxième réponse à la même question dramatique.
Le troisième acte de cette structure enrichie
peut alors être un peu plus long que dans la structure classique.
Si la répartition des trois actes simples est en gros 20-75-5
pages (ou minutes), celle de la structure enrichie est 20-75-15 pages
(NB. Ces chiffres sont des moyennes, pas des dogmes). Et le troisième
acte enrichi est construit comme le tout dont il fait partie : il possède
son propre incident déclencheur (le coup de théâtre
en question), son propre climax, qui apporte la deuxième réponse
à la même question dramatique, et son propre troisième
acte. Ce qui donne :
E.T. (E.T.) meurt. C'est fini. Le deuxième
acte s'achève. Sans ambiguïté. Soudain, on se rend
compte qu'il a encore un souffle de vie. Son objectif (rentrer chez
lui) redevient d'actualité. Il tente de nouveau de l'atteindre
avec l'aide d'Elliott (Henry Thomas). Et, cette fois-ci, il y parvient.
Mme Thorwald est vivante, on a retrouvé sa trace
(Fenêtre sur cour). Les soupçons
de Jeff (James Stewart) étaient donc infondés. Il abandonne
son objectif. Il est même déçu qu'une femme n'ait
pas été tuée. Coup de théâtre : le
petit chien des voisins est mort et Thorwald (Raymond Burr) est le seul
à ne pas s'en soucier. Jeff et Lisa (Grace Kelly) reprennent
leur objectif (prouver la culpabilité de Thorwald) jusqu'à
la bagarre entre Jeff et Thorwald qui constitue le climax de troisième
acte.
A la date-butoir du 15, Tintin et Haddock n'ont toujours
pas trouvé le trésor (Le trésor
de Rackham le Rouge). Ils abandonnent et rentrent en Europe.
Fin du deuxième acte. Sans ambiguïté. Coup de théâtre
: le château de Moulinsart est à vendre, ce qui remet Tintin
sur la piste du trésor. Et, cette fois-ci, il le trouve.
Notons que la conclusion du deuxième acte doit
être claire et nette. Pour donner toute sa saveur, la structure
enrichie doit inclure un moment capital entre la fin du deuxième
acte et le coup de théâtre qui relance l'action dans le
troisième acte, un moment où le protagoniste reconnaît
clairement ne plus avoir d'objectif.
Notons également que le deuxième incident déclencheur,
celui du troisième acte de la structure enrichie, ne peut pas
être fortuit, contrairement au grand incident déclencheur
du premier acte. Sinon, ce serait un deus ex machina ou, au mieux, un
diabolus ex machina. Il faut donc qu'il découle logiquement de
ce qui a précédé - tout en nous surprenant, bien
sûr.
Deux réponses dramatiques opposées
Le plus souvent, la deuxième réponse
dramatique est l'inverse de celle apportée à la fin du
deuxième acte. Par exemple, dans beaucoup de films hollywoodiens,
le protagoniste échoue à la fin du deuxième acte
et réussit à la fin du troisième (cf. le cas d'E.T.,
de Fenêtre sur cour et du
Trésor de Rackham le Rouge plus haut ainsi que les constructions
d'Astérix et le chaudron plus
loin).
Parfois, la réponse dramatique est la même (positive, en général), mais il faut s'y prendre à deux fois pour l'apporter. C'est le cas dans Alien. On croit que le monstre est enfin mort. Surprise : il est toujours vivant. Et c'est reparti pour un tour.
Les exemples où la réponse est d'abord
positive puis, après coup de théâtre au début
du troisième acte, négative, sont assez exceptionnels.
La menace est l'un des rares à
avoir le courage de décevoir à ce point le spectateur.
Les enfants du paradis fonctionne également
ainsi. A la fin du deuxième acte, Baptiste (Jean-Louis Barrault)
a enfin atteint son objectif : il est aimé par Garance (Arletty)
et ils couchent ensemble. Coup de théâtre : Nathalie (Maria
Casarès) survient et fait une scène. Garance décide
alors de se faire oublier. Baptiste essaie de la rejoindre mais en vain.
Le deuxième climax, celui du troisième acte, a lieu dans
un boulevard bondé et carnavalesque.
Comme ci-dessus dans Fenêtre
sur cour ainsi que dans La mort aux
trousses, il arrive que les climaxes de troisième acte
soient plus intenses que ceux de deuxième acte. Ce n'est pas
toujours une bonne idée parce que cela peut amener le spectateur
à rater le premier climax. Mais c'est une façon parmi
d'autres de respecter le crescendo sur l'ensemble de l'uvre.
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DEUXIÈME EXTRAIT DU CHAPITRE 5 : STRUCTURE
CASABLANCA (1942)
On a beaucoup prétendu que Casablanca n'avait pas
de scénario ou discouru sur le fait que les scènes étaient
écrites la veille du tournage pour le lendemain (les scènes
peut-être mais la structure ?). Cette idée qu'un grand
succès, à la fois commercial et artistique, peut se passer
des règles conforte ceux que les règles importunent. La
réalité me paraît plus triviale : Casablanca
doit son succès à des facteurs affectifs et spectaculaires
(l'ambiance, l'exotisme, l'opposition au nazisme et, bien sûr,
le couple Bogart-Bergman) mais aussi à une structure classique
solide. Cette structure est cachée (par un objectif singulier
et de nombreux personnages) mais elle est bien réelle. D'ailleurs,
il n'est pas anecdotique que le film soit l'adaptation d'une pièce
de théâtre.
Incident déclencheur : inexistant dans le premier acte.
Mais il fait partie du flashback. L'événément qui
a poussé Rick à ne plus vouloir s'investir émotionnellement
est le rendez-vous manqué avec Ilsa à la gare.
Protagoniste : Rick (Humphrey Bogart). Casablanca
est, entre autres choses, le portrait d'un homme : dès le début,
Rick est présenté comme quelqu'un d'indifférent,
à tout point de vue. Il refuse de s'engager. Ne dit-il pas, d'ailleurs,
à plusieurs reprises : "Je ne me mouille pour personne"
? Quand, plus tard, Rick se mouillera très exceptionnellement
pour le couple bulgare (Helmut Dantine, Joy Page), il le fera sans éclat
et refusera toute marque d'estime.
On pourrait objecter que Rick n'est que le protagoniste trajectoriel
de Casablanca et que Laszlo en est le protagoniste dramatique.
Il est vrai que Laszlo a un objectif clair (prendre l'avion pour Lisbonne)
et une foule d'obstacles. Mais il n'est pas le personnage qui vit le
plus de conflit et donc celui auquel nous nous identifions. Dès
le début du récit, nous voyons bien que Rick s'est construit
une carapace de cynique. C'est un premier signe qu'il souffre, même
s'il s'agit d'un conflit statique. Ensuite, quand Ilsa (Ingrid Bergman)
réapparaît dans sa vie, Rick est dévasté.
La blessure s'ouvre à nouveau. Le conflit devient dynamique et
Rick va rester amer jusqu'au climax. Pour toutes ces raisons, Rick est
le protagoniste dramatique. Mais alors, quel est son objectif ? Car
Rick ne donne pas l'impression d'être très actif. A mon
avis, Rick est réactif et son objectif est de ne pas s'impliquer.
Rick se bat pour rester neutre, politiquement et émotionnellement.
Le plus gros obstacle sur la route de cet objectif est l'amour qu'il
éprouve toujours pour Ilsa et la tentation qu'elle incarne. Une
autre tentation (donc, un autre obstacle) est la noble cause incarnée
par Laszlo. Dans le passé, Rick a embrassé des causes
similaires.
Objectif : rester neutre (émotionnellement, politiquement
et même commercialement, cf. ci-dessus). C'est un objectif un
peu particulier et c'est, en partie, ce qui rend Casablanca
délicat à analyser. Car rester neutre n'est pas un objectif
qui engendre l'action mais plutôt la réaction. D'ailleurs
le titre original de la pièce est Everybody comes to Rick's.
En d'autres termes, ce sont les obstacles qui vont au-devant de Rick
et non l'inverse. Toutefois, quand le travail de sape est commencé,
Rick devient plus actif. Son objectif se transforme en : résister
à la tentation de s'engager.
N.B. Bien que rare dans le répertoire, on trouve déjà
ce type d'objectif réactif dans dipe à Colonne,
dans lequel le vieil dipe refuse de prendre parti et même
de se sentir responsable dans la bataille qui oppose ses deux fils.
A la différence de Rick, dipe résiste jusqu'au bout
à la pression, avant de mourir dans la sérénité.
Passage premier acte-deuxième acte : l'arrivée
d'Ilsa (Ingrid Bergman) ne peut pas être considérée
comme un incident déclencheur puisque ce n'est pas le nud
dramatique qui pousse Rick à avoir son objectif. En revanche,
jusqu'à ce qu'Ilsa arrive, on peut considérer que Rick
est en équilibre stable. Il rencontre des obstacles sur son objectif
mais ils sont légers et servent surtout à le caractériser.
Quand Ilsa arrive, la pression devient beaucoup plus forte. Ainsi, si
le premier acte se termine quand nous avons compris l'objectif de Rick,
l'action ne commence véritablement qu'avec l'arrivée d'Ilsa.
Obstacles externes : nombreux sont les obstacles qui émoussent
la résistance de Rick : les menaces et requêtes diverses,
la fermeture de son café, mais le plus bel obstacle, de loin,
est Ilsa. Voir ci-dessous.
Obstacle interne : l'amour de Rick pour Ilsa. Cet amour commence
par émouvoir Rick puis l'oblige à prendre parti.
Climax : Rick et Ilsa s'embrassent. Il accepte enfin de se mouiller,
en l'occurrence d'aider Victor Laszlo (Paul Henreid), mais affirme vouloir
garder Ilsa pour lui.
Réponse dramatique : négative.
Troisième acte : il est assez long (15 minutes). C'est
normal. Rick a accepté d'aider Laszlo, cela lui donne un objectif
local. Le troisième acte comprend ainsi : l'arrestation de Laszlo,
le marché avec Renault (Claude Rains), la vente du café
à Ferrari (Sydney Greenstreet) et le climax du troisième
acte : meurtre de Strasser (Conrad Veidt) et départ de l'avion.
N.B. Le lecteur trouvera une analyse de Casablanca sous
l'angle de la trajectoire interne dans Construire un récit
[111].
LA CERISAIE (1904)
Incident déclencheur : la propriété doit
être vendue aux enchères en août.
Protagoniste : Lioubov et son frère Gaïev. Mais c'est
surtout Lioubov qui a le pouvoir de prendre la grande décision,
en particulier de suivre les recommandations de Lopakhine.
Objectif : sauver la famille de la ruine tout en gardant la propriété.
Sous-objectif : emprunter de l'argent (à la banque, à
la tante, à Lopakhine), marier Varya à Lopakhine, acheter
la propriété aux enchères.
Passage premier acte-deuxième acte : Lopakhine suggère
à Lioubov d'abattre les cerisiers et de faire construire des
villas sur la cerisaie. Comme nous sentons que la solution de Lopakhine
est viable, une question dramatique se pose à cet instant précis
: Lioubov acceptera-t-elle le moyen que Lopakhine lui propose pour atteindre
son objectif ? Acceptera-t-elle de sacrifier la cerisaie ?
Obstacles internes : la prodigalité de Lioubov, son irresponsabilité,
sa naïveté roman-tique et enfin son amour pour la cerisaie,
symbole de sa jeunesse.
Obstacles externes d'origine interne : les bouleversements sociétaux
auxquels Lioubov et Gaïev font face ne sont pas purement externes
car ce ne sont pas des obstacles pour tout le monde. Ce sont des obstacles
pour les nobles incapables de s'adapter. Idem du manque d'argent de
Lioubov et Gaïev. Lopakhine est un personnage intéressant.
Il est celui qui profite de la vente aux enchères à la
fin. On sent alors de sa part une revanche sur son héritage social.
Mais, avant le climax, Lopakhine a agi en allié et en sage plutôt
qu'en opposant, même si la solution qu'il proposait était
douloureuse.
Obstacles externes : Lopakhine n'est pas intéressé
à épouser Varya, la tante est radine.
Climax : Lopakhine annonce qu'il a acheté la propriété.
Fin du deuxième acte : Ania essaie de consoler sa mère.
Réponse dramatique : négative.
Troisième acte : tout l'acte IV. Les cerisiers sont en
cours d'abattage. Lioubov se prépare à retourner à
Paris. Gaïev a trouvé un poste dans une banque. Lopakhine
ne se résout pas à demander la main de Varya. Lioubov
et Gaïev disent adieu à la propriété familiale.
Firs, le vieux serviteur malade, est oublié sur place.
LA VIE DES AUTRES
(2006)
Incident déclencheur : le capitaine Wiesler (Ulrich Mühe),
le lieutenant-colonel Grubitz (Ulrich Tukur) et le ministre Hempf (Thomas
Thieme) assistent à la repré-sentation de la dernière
pièce de Georg Dreyman (Sebastian Koch). Wiesler et Hempf pensent
qu'il faut surveiller Dreyman.
Protagoniste : Georg Dreyman. Certes, Wiesler est le personnage
qui se transforme (le protagoniste trajectoriel) et l'auteur lui consacre
un certain nombre de scènes. Mais le personnage en danger est
clairement Dreyman. Le début du film est sans ambiguïté
à ce sujet. Nous avons peur pour Dreyman et nous identifions
très vite à lui. Si l'on y regarde de plus près,
sur l'ensemble du film, le personnage qui vit le plus de conflit est
Christa (Martina Gedeck). Mais elle est traitée en personnage
secondaire. Structurellement, c'est Dreyman le protagoniste dramatique.
Objectif : ne pas être arrêté. Dans un premier
temps, cet objectif est lié à ce que nous appellerons
bientôt la "question ironique" (cf. page 322). En gros,
Dreyman n'a pas d'objectif conscient dans toute la première moitié
mais, comme nous savons qu'il est espionné par la Stasi, nous
lui en prêtons un. A partir du moment où il commence à
comploter, cet objectif devient conscient même s'il ignore toujours
qu'il est sur écoute.
Passage premier acte-deuxième acte : Grubitz décide
de mettre Dreyman sur écoute.
Sous-objectif : vérifier que son appartement est sûr,
cacher sa deuxième machine à écrire, cacher son
activité à Christa. Dans la première moitié
du deuxième acte, Dreyman découvre que Christa a une liaison
forcée avec Hempf. Il cherche alors à la faire rompre.
Cet objectif local n'est pas un sous-objectif de l'objectif général.
En revanche, c'est indirectement un obstacle. Car cela renforce la motivation
de Hempf à harceler Dreyman.
Obstacles internes : dans la première moitié, Dreyman
est un "bon socialiste". Il reproche juste au régime
d'empêcher Albert Jerska (Volkmar Kleinert), son ami metteur en
scène, de travailler. Dans la deuxième moitié,
Dreyman s'émancipe et prend le risque d'être arrêté.
Obstacles externes : la barbarie, le vice et la folie paranoïaque
du régime est-allemand. Le film en témoigne avec force,
presque de façon documentaire. A ce titre, il commence par une
leçon d'interrogatoire qui fait froid dans le dos.
Climax médian : Albert Jerska se suicide. Ce nud
dramatique pousse Dreyman à prendre parti et à écrire
un article dénonçant le régime. Ce n'est pas un
hasard si le basculement de Wiesler a lieu à peu près
au même moment dans le film.
Climax : la deuxième fouille infructueuse dans l'appartement
qui se conclut par le suicide de Christa.
Fin du deuxième acte : Grubitz déclare que l'opération
" Lazlo " - c'est-à-dire la mise sur écoute
de Dreyman - est terminée.
Réponse dramatique : positive.
Troisième acte : il dure quinze minutes. Il sert surtout
à résoudre l'une des ironies dramatiques majeures du film
: Dreyman apprend qu'il était sur écoute et comprend quel
rôle a joué Wiesler. Bien que ce troisième acte
comprenne un incident déclencheur (la résolution en question)
et une petite action - Dreyman enquête sur Wiesler -, on n'a pas
affaire ici à une structure enrichie. Primo, parce que plusieurs
années s'écoulent entre la fin du deuxième acte
et le début de cette action. Secundo, parce que l'action est
nouvelle. Ce n'est pas l'action principale qui est relancée par
un coup de théâtre.
N.B. Le lecteur trouvera une analyse de La vie des autres
sous l'angle de la trajectoire interne dans Construire un récit
[111].
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EXTRAIT DU CHAPITRE 7 : PRÉPARATION
Chose promise, chose due
Malgré l'évidence de la scène
à faire, il arrive que les auteurs fassent des promesses et ne
les tiennent pas.
Au début de Autant en emporte le vent, nous faisons
la connaissance de Wilkerson (Victor Jory), contremaître douteux
que les O'Hara renvoient. Wilkerson réapparaît après
la guerre de Sécession. Il est devenu un carpetbagger, c'est-à-dire
un homme du Nord qui profite de la détresse du Sud. Il veut acheter
la propriété de Scarlett (Vivien Leigh) pour une bouchée
de pain. Scarlett le chasse violemment. Furieux, Wilkerson lui dit qu'elle
le regrettera. Il reviendra, achètera cette propriété
et y vivra. Cette menace est une alléchante perspective de conflit.
Malheureusement, elle ne connaîtra jamais de paiement. Il n'est
plus question de Wilkerson dans le reste du film. On notera que, dans
le roman de Margaret Mitchell, Wilkerson est tué dans un bar.
Cela explique qu'il cesse d'être une menace pour Scarlett. Mais
les auteurs auraient dû enlever l'annonce dans le film. Wilkerson
aurait dû se contenter d'insulter le sang irlandais de Scarlett
- afin de justifier que le père de Scarlett le pourchasse - mais
sans menacer de revenir.
Dans Le silence des agneaux,
Clarice (Jodie Foster) est une élève du FBI qui doit enquêter
sur les crimes d'un dangereux psychopathe. Pour mieux comprendre la
mentalité de ce dernier, son supérieur (Scott Glenn) lui
suggère de rendre visite à un autre criminel, Hannibal
Lecter (Anthony Hopkins), ancien psychiatre emprisonné dans un
quartier de haute sécurité. Lecter a la réputation
d'être un manipulateur diabolique. Au point que Clarice est prévenue
par son supérieur : « Ne révélez rien
de vous-même à Lecter. Surtout, ne le laissez pas entrer
dans votre tête ». Sous-entendu : « si vous le
faites, il vous en coûtera ». Peu de temps après,
on apprend que Lecter a réussi à pousser son voisin de
cellule au suicide. Et l'on se dit qu'en effet, Clarice a intérêt
à se montrer prudente. Quand, dès leur première
discussion, Lecter lui demande des informations sur sa vie privée,
on est inquiet. Quand, au cours du second entretien, elle commence à
se livrer, on craint le pire. Eh bien rien du tout ! Clarice se confiera
et cela n'aura pas de conséquences. L'avertissement de son supérieur
et l'attitude de Clarice ne connaîtront pas de paiement.
Nous sommes déçus parce que disparaît
là une belle occasion de conflit supplémentaire. Dans
le cas du Silence des agneaux, il y
a plus que cela. Si les scénaristes avaient étroitement
lié les confidences de Clarice à l'évasion de Lecter
- que celles-là permettent celle-ci, par exemple -, non seulement
le film aurait gagné en rigueur et en unité d'action mais
il aurait mieux montré que pour arrêter un dangereux psychopathe,
la stagiaire du FBI est amenée à en laisser échapper
un autre, encore plus dangereux. Bref, le propos aurait été
un peu plus profond.
Dans Terminator 2,
John Connor (Edward Furlong), sa mère (Linda Hamilton) et le
gentil robot (Arnold Schwarzenegger) sont poursuivis par un méchant
robot transformiste, le T-1000 (Robert Patrick). A l'issue d'une des
poursuites, le T-1000 laisse un morceau de métal (sa «
chair ») sur la voiture des protagonistes. John Connor le prend
à main nue et le jette sur la chaussée. Le T-1000 arrive
sur les lieux. Le morceau de métal se met alors à fondre
et « réintègre » son propriétaire.
Or, il a été planté - de façon inutilement
insistante, d'ailleurs - que le T-1000 a la capacité de ressembler
à tous les êtres humains qu'il a l'occasion de toucher.
Quand John Connor touche le morceau de métal, on se dit que le
T-1000 va en profiter pour se transformer en... John Connor et, donc,
créer la confusion chez les co-protagonistes. Rien de tout cela.
Le T-1000 prend bien l'apparence d'un des protagonistes mais ce n'est
pas John Connor, c'est sa mère. Et, malheureusement - autre faiblesse
- le conflit est aussitôt résolu. On pourrait arguer que
le T-1000 n'a rien à gagner en se transformant en John Connor,
puisqu'il cherche simplement à le tuer. Certes. Mais dans ce
cas, quel intérêt y avait-il à nous y faire penser,
à l'annoncer ?
Au milieu de Minority report,
le chirurgien (Peter Stormare) qui vient de greffer de nouveaux yeux
à John (Tom Cruise) insiste lourdement : « Attends douze
heures avant d'enlever le bandage sinon tu deviendras aveugle ».
Un minuteur est même enclenché. Problème : les collègues
de John sont à sa recherche et ils arrivent dans le quartier.
Des scanners oculaires sur pattes sont censés vérifier
les yeux de tous les habitants de l'immeuble où John se cache.
Le minuteur indique « - 6 heures ». Pour ne pas être
trahi par la chaleur de son corps, John plonge dans de l'eau glacée.
Après diverses péripéties, il est finalement obligé
de relever le bandage pour montrer un il, le gauche, aux scanners.
Aussitôt, que se dit le spectateur ? Qu'il va devenir aveugle.
Au moins de l'il gauche. Eh bien non ! Il n'y aura pas de conséquences.
Note de bas de page
: Dans une version du scénario disponible sur internet, l'annonce
est clairement exploitée : l'il de John devient laiteux
au moment où il se fait scanner et John est borgne jusqu'à
la fin du film. Pour des raisons que j'ignore, Spielberg a choisi de
ne pas garder l'idée. Le problème, c'est qu'il a oublié
d'enlever l'annonce. Ce n'est pas un cas isolé. On sait qu'un
scénario peut être partiellement réécrit
sur une table de montage. Certaines scènes sont parfois abandonnées
parce qu'elles sont ratées. C'est un cas, parmi bien d'autres,
qui prouve que la présence du scénariste peut être
utile dans la salle de montage. Car quand une scène à
faire atterrit dans la corbeille, le monteur et le réalisateur
n'ont pas toujours la présence d'esprit d'en enlever la préparation.
La même erreur peut être commise au théâtre
par des adaptateurs ou des metteurs en scène de théâtre
qui coupent dans des classiques trop longs ou en intervertissent des
scènes (cf. l'exemple de la version courte du Hamlet
réalisé par Kenneth Branagh, page 179). Samson Raphaelson
[160] raconte qu'Ernst Lubitsch le fit appeler un jour sur le plateau,
en plein tournage, pour vérifier qu'il pouvait changer une ligne
de dialogue : « Imaginez cet homme (Lubitsch) - qui
était plus apte à écrire un dialogue que n'importe
quel autre réalisateur. (...) Il avait l'intelligence de comprendre
que le changement qu'il avait en tête pouvait avoir une influence
sur quelque chose auquel il n'aurait pas pensé, créant
une incohérence avec un personnage ou une situation. Il réclamait
ma mémoire du scénario et mon sens de la caractérisation.
(...) Pour une ligne de dialogue ! ». En France, on voit beaucoup
de films, de téléfilms et de séries dont les réalisateurs
ont un ego moins confiant que celui de Lubitsch, ne consultent pas leurs
scénaristes, ni pendant le tournage ni pendant le montage, et
se retrouvent avec des trous ou des incohérences.
Dans Le chant de la baleine
abandonnée, Yves Lebeau montre un fusil à plusieurs
reprises mais, contrairement au précepte de Tchekhov cité
en exergue, ne s'en sert pas. C'est d'autant plus dommage qu'une fin
logique à sa pièce (cf. le sujet page 42) eût été,
me semble-t-il, l'assassinat de la mère par ses trois enfants
(avec le fameux fusil, bien entendu). Eux qui voulaient s'en débarrasser
en l'envoyant dans une maison de retraite se seraient retrouvés
avec un cadavre sur les bras !
Au milieu de Chouchou, Stanislas (Alain Chabat) déclare
à Chouchou (Gad Elmaleh) qu'il a envie de la présenter
à ses parents. Chouchou est très flattée mais cela
lui fait peur. Sur ce, Stanislas - qui a quand même 40 ans passés
- se fait gronder par sa mère au téléphone. L'inquiétude
de Chouchou monte d'un cran. Bref, les auteurs nous promettent une belle
scène de conflit. Quelques minutes plus tard, la présentation
de Chouchou a lieu mais la scène à faire est complètement
avortée. Les parents (Micheline Presle, Jacques Sereys) sont
adorables. Chouchou étale son inculture sans que cela ne prête
à conséquence. Il arrive même à faire croire
qu'il est psychanalyste. Bref, tout se passe bien. Nous sommes déçus.
Le premier acte de La journée de la jupe annonce
un sujet original et polémique : une prof de collège excédée
(Isabelle Adjani) prend ses élèves en otage et leur enseigne
Molière à coup de pistolet. C'est même annoncé
sur l'affiche du film. Malheureusement, ce sujet alléchant est
traité pendant une minute trente dans le film, le temps d'une
scène. Une bonne partie du deuxième acte est consacrée
au banal déroulement policier et logistique de la prise d'otages
et à une sous-intrigue sentimentale sans intérêt
consacrée à l'un des gendarmes (Denis Podalydès).
Que les auteurs de ces uvres n'aient pas réussi
à mieux exploiter ces annonces est une chose. Il ne s'agit pas
de dire que c'était facile. Loin de là ! Mais qu'ils aient
choisi de laisser une préparation sans paiement conflictuel et,
donc, de décevoir le spectateur en est une autre. Devant leur
impossibilité à tenir leur promesse, la moins mauvaise
solution consistait à retirer de l'uvre la promesse elle-même.
N.B. Le lecteur aura compris que ces exemples de promesses non tenues
ne sont pas de même nature que les téléphones-fausses
pistes dont nous avons parlé plus haut (pages 243-244). Dans
ce cas, certes, des promesses n'ont pas été tenues non
plus mais c'est pour la bonne cause. Alors que l'on s'attendait à
une aide télé-phonée, on a droit à un surcroit
de conflit. En d'autres termes, le problème n'est pas tant qu'un
auteur ne tienne pas ses promesses, le problème est qu'il évite
le conflit.
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EXTRAIT DU CHAPITRE 8 : IRONIE DRAMATIQUE
NB. Pour une définition
de l'ironie dramatique, voir l'extrait du lexique plus
bas.
Participation du public
Tous les exemples qui précèdent montrent
à quel point l'ironie dramatique est un extraordinaire outil
de participation du public. Elle met le spectateur dans une position
très agréable vis-à-vis de la victime, position
qu'il n'a malheureusement pas souvent l'occasion de savourer vis-à-vis
de lui-même. En effet, dans notre vie de tous les jours, nous
avançons en grande partie à l'aveuglette. Certes, nous
tentons de planifier notre vie, nous nous créons des points de
repère, des objectifs mais, comme pour les personnages de dramaturgie,
cela ne marche pas toujours comme prévu. Certains évoquent
le sort ou le destin. Le hasard joue aussi un rôle. Et parfois
c'est notre inconscient (la partie immergée de l'iceberg) qui
est à l'origine, directe ou indirecte, de ces imprévus.
En outre, nous sommes victimes d'innombrables mensonges.
« Nous vivons tous dans un énorme mensonge »
affirme Viktor (Al Pacino) dans S1m0ne,
film écrit par Andrew Niccol, dont plusieurs scénarios
(S1m0ne, Bienvenue à Gattaca, The Truman
show) tournent autour d'un gros mensonge public. Cela dit, les
mensonges ne viennent pas seulement des politiciens, des publicitaires
ou des professionnels de l'audiovisuel. Le mensonge commence dès
notre enfance dans le cercle familial. Claude Steiner [187] explique
qu'un mensonge peut s'exprimer en acte et pas seulement en parole. Quand
un parent dit une chose à son enfant et fait le contraire, il
ment. Quand on nie avoir eu une pensée indélicate pour
éviter de se compromettre, on ment. Or le mensonge sape la capacité
de conscience de l'être humain. A haute dose, il mène les
autres à la folie.
On imagine alors sans peine l'intense gratification
que peut éprouver un spectateur quand, sous ses yeux exceptionnellement
lucides, s'agitent des personnages plus aveugles que lui, et qu'il saisit
la portée des mensonges dont ils sont victimes et des pièges
dans lesquels ils ne manquent pas de tomber. Quel plaisir quand l'auteur
invite le spectateur à devenir son complice, quand il le met
dans une situation de clarté et de supériorité
vis-à-vis de certains de ses personnages. L'intérêt
que suscite, depuis vingt-cinq siècles, le théâtre,
puis le cinéma, vient probablement en partie de ce plaisir.
Savoir conscient et savoir refoulé
Il n'est pas impossible que le vif intérêt
du spectateur pour l'ironie dramatique ait une autre cause. Dans certains
des exemples qui précèdent, il est clair que l'ignorance
de la victime est une ignorance consciente. Mais qu'en est-il au niveau
inconscient ? Si Nora (Maison de poupée)
ignore qu'elle est infantilisée par son mari, c'est peut-être
parce qu'au fond d'elle-même, cela l'arrange bien, et qu'elle
n'est pas encore prête à l'apprendre. Si Norma Desmond
(Boulevard du crépuscule) ignore
qu'elle n'est plus une star, c'est probablement parce que cela lui ferait
trop de mal de voir la vérité en face. Même chose
pour dipe (dipe roi) qui
refoule clairement des vérités trop insupportables.
Bien sûr, le phénomène est le même
dans la vie de tous les jours. Souvent, d'ailleurs, la limite entre
ce que nous savons consciemment et ce que nous savons, ou sentons, inconsciemment
n'est pas aussi tranchée. Dans certains exemples cités
plus haut, le mot "ignorer" est trop fort. Parfois la victime
de l'ironie dramatique n'ignore pas mais simplement préfère
ignorer, ou refuse de croire. Parfois même, elle soupçonne
ce que nous, spectateurs, savons avec certitude. C'est peut-être
pour cette raison que les conjoints trompés (dans la vie comme
dans les pièces de boulevard) sont toujours les derniers à
"savoir".
En bref, exploiter une ironie dramatique consisterait,
dans certains cas, à mettre en scène l'énergie
épuisante que dépense l'inconscient de tout être
humain pour éviter au conscient d'admettre des vérités
trop cruelles. Mettre de l'ironie dramatique dans une uvre serait
ainsi donner plus de justesse et de profondeur à la psychologie
des personnages. Et, là aussi, on imagine le plaisir du spectateur
à voir chez les autres ce qu'il vit lui-même quotidiennement
sans s'en rendre compte.
Outre Boulevard du crépuscule,
Maison de poupée et dipe
roi, trois uvres illustrent parfaitement cette opposition
entre savoir conscient et savoir refoulé : Mort d'un commis
voyageur - dont le premier titre de travail était "L'intérieur
de sa tête" -, L'ombre d'un doute et Festen.
Dans la pièce d'Arthur Miller, Willy Loman refuse la vérité
parce qu'elle est trop pénible mais on le sent souvent très
proche de la lucidité. Il y a même des moments où
on a l'impression qu'il sait, qu'il a compris. C'est en partie ce qui
fait de la pièce d'Arthur Miller une uvre aussi riche,
profonde et fascinante. Dans le film réalisé par Hitchcock,
nous savons que Charlie (Joseph Cotten) est un assassin recherché
par la police ; sa famille l'ignore. Néanmoins, sa nièce
(Teresa Wright) soupçonne quelque chose. Petit à petit,
son intuition devient certitude. Tout le deuxième acte décrit
ce processus de révélation. Enfin, dans Festen,
nous pensons que Christian (Ulrich Thomsen) dit vrai quand il accuse
son père d'abus sexuel. On notera que nous n'en avons aucune
preuve formelle mais la puissance du drama, l'élan inconscient
du spectateur à s'identifier au personnage qui vit du conflit
nous poussent à être à ses côtés. Or
l'immense majorité des convives de cette fête de famille
n'y croient pas. Certains ne savent pas du tout, d'autres refoulent,
d'autres encore (essentiellement le père et la mère) mentent.
Tous, en tout cas, préfèrent ne pas voir la vérité
en face. Cela les met trop mal à l'aise.
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PREMIER EXTRAIT DU CHAPITRE 9 : COMÉDIE
Un traitement méprisé
Malgré sa grandeur et son utilité, la
comédie est encore trop souvent méprisée. Certes,
comme le développe Gilles Lipovetsky [119] dans L'ère
du vide, rire est devenu un impératif social généralisé
en Occident. La dérision, la parodie et le persiflage sont partout
(souvent accompagnées d'agressivité). A la télévision,
c'est devenu une obsession. Malheureusement, cela a plutôt eu
tendance à vulgariser la comédie qu'à l'ennoblir.
Malgré Aristophane, Molière, Chaplin, Lubitsch, La
mégère apprivoisée ou
Le marchand de Venise, on a toujours du mal à penser qu'humour
et art puissent faire bon ménage. « On rit du début
jusqu'à la fin mais on ne fait que rire » est l'un des
grands (et consternants) classiques du commentaire critique. C'est oublier,
rien de moins, que si c'est drôle, c'est juste. La comédie
et, a fortiori, la bonne comédie est toujours un commentaire
réussi sur la nature humaine. Il n'empêche, une uvre
sérieuse inaccessible sera volontiers qualifiée de difficile,
fragile ou ambitieuse alors que, le plus souvent, elle est tout simplement
ratée. Une comédie ratée n'a pas droit aux excuses.
Et pourtant, cela peut être fragile, aussi, une comédie.
Les oscars, césars et autres palmes d'or récompensent
rarement des comédies. Gérard Depardieu est nominé
pour avoir fait le clown blanc (le clown sérieux) dans Les
compères mais pas Pierre Richard, l'auguste, qui pourtant
y fait un travail formidable. Les acteurs dit « comiques »
doivent attendre de jouer dans un film sérieux pour être
remarqués. On pense à Michel Galabru pour Le
juge et l'assassin, Dan Aykroyd pour Miss Daisy et son
chauffeur ou Coluche pour Tchao Pantin.
Or ils étaient déjà au sommet de leur art dans
Le viager, The Blues brothers
ou Inspecteur La Bavure. A ces phénomènes,
on peut voir plusieurs causes.
1- La comédie, nous venons de le voir, est une
atteinte à la vanité humaine. Elle nous rappelle notre
condition terrestre. Elle met en scène les entraves de l'inconscient.
La tragédie et, aujourd'hui encore, le drame sérieux donnent
à l'être humain une importance qu'il n'a peut-être
pas mais qui le flatte. On le voit encore aujourd'hui avec le succès
des mélodrames. Les auteurs et les critiques ont donc, comme
les spectateurs, tendance à se prendre trop au sérieux.
2- Nous manquons de recul. Le regard que chacun pose
sur sa propre existence est plutôt plaintif que moqueur. On trouve
sa vie alternativement tragique ou mélodramatique, parfois gaie
- quand, momentanément, il n'y a pas de conflit -, mais rarement
comique. Et c'est d'autant plus vrai à court terme. Ainsi les
uvres qui décrivent des situations terribles et y mettent
un peu d'humour sont souvent accusées de désinvolture.
Ce fut le cas, par exemple, avec Stalag 17
qui se déroule dans un camp de prisonniers allemand. Faux procès,
bien entendu. Des prisonniers de guerre ont témoigné que
les blagues et les farces étaient de mise dans les camps, ne
serait-ce que pour ne pas devenir fou.
3- La comédie est démocratique. Un bon
gag réunit le philosophe et le paysan, le jeune et le vieux,
le croyant et l'athée. La comédie est anti-élitiste.
Cela défrise tous les gens de pouvoir (intellectuels, religieux,
politiques, etc.), surtout ceux qui aiment établir des hiérarchies.
Avec eux au sommet, bien entendu. En outre, comme elle est populaire,
la comédie est souvent commerciale. Et on sait que pour certains,
art et commerce sont forcément incompatibles.
4- Alors que la légèreté de la
comédie pourrait faire croire qu'elle s'écrit avec aisance,
c'est en fait, de tous les traitements, celui qui demande le plus de
compétences. C'est le résultat qui est léger, pas
le talent requis pour le créer. La comédie est délicate
à manier et exige un minimum de technique. Il est moins contraignant
d'être grave que de faire rire. Dans La
critique de L'école des femmes, Molière fait dire
à Dorante : « Je trouve qu'il est bien plus aisé
de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune,
accuser les Destins, et dire des injures aux Dieux, que d'entrer comme
il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement
sur le théâtre les défauts de tout le monde.
» Ce que confirme Mario Monicelli [133] : « C'est plus
facile pour moi de faire un film dramatique qu'un film comique ».
Et François Truffaut [201] : « Quiconque s'est
essayé un jour à écrire un scénario ne saurait
nier que la comédie est bien le genre le plus difficile, celui
qui demande le plus de travail, le plus de talent, le plus d'humilité
aussi ». La comédie est comme la danse : de la légèreté
en devanture, beaucoup de labeur et de compétence en coulisses.
Corollaire de ce qui précède, il y a
moins de comédies que de drames sérieux, et probablement
aussi moins de comédies réussies que de drames sérieux
réussis. Au cinéma, la comédie représente
ainsi un petit nombre de films, ce qui lui vaut d'être assimilé
à un genre, dans le même panier informe que le western,
le policier ou la « comédie » musicale (cf. page
80). Hawks [83] disait que la chose la plus difficile au monde est de
mettre la main sur une histoire drôle.
5- Et si le clown n'était pas également
méprisé, que ce soit par les dictateurs, les églises,
les fanatiques ou certains intellectuels, tout simplement parce qu'il
est l'être humain le plus lucide sur la vie, le plus intelligent,
aussi malin que le Malin, parce qu'il voit clair dans le jeu de tout
le monde et qu'il met au jour les failles des gens de pouvoir ? Le mépris
dont le clown est l'objet serait alors plutôt de la peur ou de
la haine. C'est peut-être pour contrebalancer cette insupportable
perspicacité que les Princes prenaient soin de choisir des bouffons
laids ou difformes.
On remarquera, toutefois, que le mépris dont
souffre la comédie est plus le fait des gens qui ont la parole
(critiques ou professionnels) que du grand public. En France, les plus
grands succès du cinéma sont autant des comédies
(Bienvenue chez les Ch'tis, La chèvre,
Le corniaud, Le dîner de cons, La grande vadrouille, La guerre
des boutons, Trois hommes et un couffin, La vache et le prisonnier,
Les visiteurs, etc.) que des films d'aventure (Ben
Hur, Il était une fois dans l'ouest, Le jour le plus long, Le
pont de la rivière Kwaï, etc.). A défaut de
rire de sa vie, le spectateur va au cinéma ou au théâtre
rire de celle des autres. On notera qu'aux Etats-Unis, les statistiques
ont une autre signification : ce sont surtout les contes de fée
modernes (Avengers, Les dents de la mer, E.T.,
La guerre des étoiles, Harry Potter, Jurassic park, Le seigneur
des anneaux, Titanic, etc.) qui sont les champions du box office.
Ce qui dénote peut-être une différence de mentalité
entre les deux peuples. Parlant du cinéma américain, Pauline
Kael [101] a écrit que « l'industrie du cinéma
a tout le temps peur et a toujours été très fière
des films qui glorifient le courage ». Dans Bowling
for Columbine, Michael Moore développe l'idée que
la culture du peuple américain est fondée sur la peur.
Certains ajoutent que la cellulite et les armes à feu sont des
moyens de la conjurer. Il en est un troisième : les contes de
fée modernes.
L'histoire ne le dit pas mais il y a fort à
parier que Flora, la femme qui animait son théâtre de pain
dans le camp de concentration de Stutthof (cf. page 13), faisait rire
ses spectateurs. Il y a d'ailleurs de l'humour dans Le verfügbar
aux enfers, opérette écrite par Germaine Tillion
dans le camp de Ravensbrück.
Un traitement thérapeutique
Car, est-il besoin de le dire, le rire est utile à
l'être humain, sur lequel il a un effet thérapeutique.
Dans son article intitulé L'humour
[69], Freud explique que l'attitude humoristique est un refus de la
douleur, une proclamation de l'invicibilité du moi, une affirmation
du principe de plaisir, qui ont l'immense avantage de ne pas nous faire
quitter le terrain de la santé psychique, contrairement à
d'autres moyens de défense contre la douleur comme la névrose,
la folie, l'ivresse, l'extase ou le repliement sur soi. Ce que confirme
Boris Cyrulnik [49] pour lequel « l'humour est un précieux
facteur de résilience ».
De nombreuses recherches ont mis en évidence
l'action du rire sur la santé mentale et physique, la diminution
du stress, l'augmentation de la longévité, le renforcement
du système immunitaire. Dans les années 60, un journaliste
américain, Norman Cousins [46], apprend qu'il est atteint d'une
forme grave de spondylarthrite ankylosante. Un jour, il voit un film
qui le fait rire aux éclats. Dans les heures qui suivent, il
ne sent plus sa douleur. Il décide alors de se soigner par le
rire. Il passe ses journées à regarder des films comiques,
à lire des histoires drôles, à se bidonner dans
tous les sens. Résultat : il s'en sort. Et cette histoire n'est
pas une blague. Aujourd'hui, de nombreux clowns travaillent dans les
hôpitaux auprès des enfants malades et pratiquent la gélothérapie,
la thérapie par le rire.
La comédie a une autre caractéristique
psychosomatique : elle déconnecte l'hémisphère
gauche et baisse la garde du récepteur en contournant son mental.
L'humour est une forme d'hypnose éricksonienne. Il est utilisé
pour ces capacités-là en psychothérapie ou dans
l'enseignement bouddhiste et est très utile pour faire passer
en profondeur le contenu de son message. Un spectateur qui rit est plus
réceptif et entend mieux ce qu'on lui dit. Danis Tanovic raconte
qu'après l'accueil de son court métrage L'aube
- qui en effet n'est pas franchement rigolo - il a compris qu'il lui
fallait mettre de l'humour dans No man's land
pour que le public entende ce qu'il voulait dire sur la guerre. Même
discours chez Hiner Saleem qui, pour évoquer la cause kurde,
a préféré faire une comédie (Vive
la mariée... et la libération du Kurdistan) qu'un
film engagé et grave comme l'auraient souhaité certains
groupuscules kurdes.
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DEUXIÈME
EXTRAIT DU CHAPITRE 9 : COMÉDIE
Et Dieu, dans tout ça ?
Techniquement - culturellement, c'est une autre histoire
-, on peut se moquer de tout ce qui est lié à l'être
humain dans la religion : le clergé, la foi, les rites, les représentants
humains de Dieu (Jésus-Christ, Mahomet, etc.). En revanche, se
moquer de Dieu lui-même dépend de la conception qu'on en
a. Ceux qui considèrent que Dieu est une projection ou une béquille
inventée par certains d'entre nous, n'ont pas de mal à
en rire. Ceux qui y croient doivent d'abord l'humaniser. A ce propos,
une blague court dans les milieux hollywoodiens. C'est un célèbre
réalisateur qui monte au Ciel. Il est reçu par saint Pierre
qui lui propose de tourner une super-production. Shakespeare s'occupera
du scénario, Mozart de la musique, Michel-Ange des décors.
Le réalisateur a droit à autant d'argent et de figurants
qu'il veut. C'est Dieu qui produit. Il y a néanmoins un... comment
dire ?... une petite condition. Le " patron " connaît
une petite jeune, très douée pour l'art dramatique...
Mais peut-on croire en Dieu et vouloir en rire ? A-t-on besoin d'être
compatissant ou exigeant - ne parlons même pas de dévalorisation
- vis-à-vis d'un être considéré comme parfait,
exempt de toutes limitations ? "Le Verbe Incarné (N.B.
Jésus-Christ) n'a jamais ri," écrit Baudelaire
[012], "Aux yeux de Celui qui sait tout et qui peut tout, le
comique n'est pas." La seule limitation éventuelle de
Dieu, donc le seul sujet de moquerie à son égard, c'est
sa perfection.
C'est peut-être parce que Dieu et le comique sont deux notions
difficilement compatibles que les gens d'église ont longtemps
considéré les bouffons comme des suppôts de Satan
et les ont mis à l'Index - en compagnie des prostituées,
des magiciens, des épileptiques, des somnambules, de tous ces
"anormaux" qui pactisent avec le Diable. Dans Le nom
de la rose, Umberto Eco illustre cette idée en créant
une intrigue policière autour du texte d'Aristote consacré
à la comédie (la légendaire deuxième partie
de La poétique [6], aujourd'hui disparue). Le moine
Jorge de Burgos cache ce texte parce qu'il a peur que les mots du philosophe
grec éliminent la crainte de Dieu et mettent les gens simples
au même niveau que les princes. Dans Maximes et réflexions
sur la comédie, Bossuet [24] - qui, rappelons-le, était
évêque - condamne avec véhémence le théâtre
comique, qui n'est rempli que d'impiétés et d'infamies,
et même le théâtre tout court qui "ne plaît
aux hommes qu'en flattant leurs passions". Quand on pense que
certaines églises ont asservi les humains en exploitant leurs
angoisses métaphysiques, il y a de quoi rire ! On notera que
Bossuet a un illustre prédécesseur : Platon, qui bannit
les poètes dramatiques de sa république idéale,
et un brillant successeur : Jean-Paul II qui s'offusque qu'un "bouffon"
comme Dario Fo reçoive le Prix Nobel de Littérature. On
reconnaîtra à Jean-Paul II de s'être contenté
de marquer sa désapprobation. En ce début de XXIème
siècle, des intégristes musulmans à l'éducation
désastreuse et la susceptibilité cosmique, prennent Dieu
en otage et vont jusqu'à assassiner les gens qui rient d'Allah
ou de Mahomet. Pour eux, comme pour certains intellectuels complices,
on ne peut pas rire de tout et la Terre entière doit être
de leur avis. Si Dieu existe, je pense qu'il est beaucoup moins fragile
et émotif que cela.
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EXTRAIT DU CHAPITRE 10 : DÉVELOPPEMENT
Aristote et le chou romanesco
En fait, la structure d'une uvre dramatique est
ce que le mathématicien français Benoît Mandelbrot
[113] appelle un ensemble fractal. Le principe de la théorie
fractale, apparue en 1974, est simple : des formes qui, a priori, semblent
chaotiques ou désordonnées, sont en fait souvent fondées
sur une structure simple qui se reproduit à de multiples échelles.
C'est-à-dire que le motif est le même, qu'on regarde la
forme de près ou de loin. Le chou romanesco offre un exemple
évident et spectaculaire. Mais le principe s'applique à
toutes sortes d'ensembles dans tous les domaines : les nuages, la neige,
des bronches, un éclair, les côtes de Cornouailles, la
distribution des galaxies, certaines partitions de Bach, etc.
Nous avons vu que le troisième acte d'une uvre dramatique
pouvait posséder, comme le tout dont il fait partie, son propre
incident déclencheur, que nous avons appelé le coup de
théâtre, et son propre climax. Cette structure simple qui
comprend trois actes, un crescendo et un climax existe ainsi à
toutes les échelles, depuis une phrase de dialogue jusqu'à
l'uvre entière. On la trouve également, à
l'échelle de la série. Dans Thorgal, la
question dramatique de l'ensemble des albums est : Thorgal et sa famille
trouveront-ils un endroit où vivre en paix ? Friends
contient une question dramatique qui court sur les 10 saisons : Ross
(David Schwimmer) et Rachel (Jennifer Aniston) finiront-ils ensemble
? Les 114 épisodes de la série The odd couple
sont tenus par une question dramatique d'ensemble : nos deux divorcés
(Jack Klugman, Tony Randall) arriveront-ils à vivre sous le même
toit sans se rendre mutuellement fou ? L'objectif des protagonistes
de Battlestar Galactica est de trouver la Terre pour s'y
installer et vivre en paix. La série utilise même la structure
enrichie sur l'ensemble des 73 épisodes des quatre saisons. Le
climax général a lieu au 63ème épisode (saison
4, épisode 10). L'action est relancée dans le 64ème
épisode. Le climax de troisième acte se trouve dans les
deux derniers épisodes.
On peut même dépasser le cadre que constitue l'uvre
dramatique (ou la série) et considérer la vie entière
du protagoniste - dont l'uvre ne raconte qu'une partie -, on retrouverait
la même structure. On peut encore passer à l'échelle
supérieure, de la vie d'un individu à celle de sa famille,
de celle de sa famille à celle de son village, de son peuple,
etc., et arriver jusqu'à la plus grande échelle connue
à l'heure actuelle, celle de l'univers. Le Big Bang en constitue
l'incident déclencheur mais le récit est inachevé.
Nous ne connaissons ni le climax, ni la réponse dramatique et
encore moins le troisième acte. Suspense... Cela dit, certaines
religions ne supportent pas de ne pas savoir et prédisent un
climax nommé, au choix, Armageddon, Apocalypse, Yawm al-dyn,
Mòfa, Mappo, etc.
Ainsi, la vie d'un être humain est un ensemble aussi fractal que
celle d'un personnage de fiction, tel qu'en rend compte une uvre
dramatique.
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EXTRAIT DU CHAPITRE 13 : DIALOGUE
Les dialogues-paiements
Aux dialogues-bons mots, qui se suffisent à
eux-mêmes, je préfère les dialogues-paiements qui
ne prennent tout leur sens que dans leur contexte. Ce qui est peut-être,
d'ailleurs, la définition de tout bon dialogue. Pour s'en convaincre,
il suffit de prendre le dialogue le plus célèbre du répertoire,
« Etre ou ne pas être », et de le placer dans
différents contextes. Selon qu'il est dit par :
- Hamlet, au début du célèbre monologue (Hamlet, III/1),
- un passant dans la rue,
- ou le souffleur du théâtre (Adolf Licho) dans To be or not to be,
il est clair qu'il n'a pas la même portée.
Autre exemple, la tirade de Shylock dans Le
marchand de Venise (III/1) : « ... Je suis juif. Mais
un juif n'a-t-il pas d'yeux ? Un juif n'a-t-il pas de mains, d'organes,
de dimensions, de sens, de sentiments, de passions ? (...) Si vous nous
piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous
pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ?... ».
Certes, ce dialogue se suffit à lui-même. Il est toutefois
intéressant de noter que le contexte du Marchand
de Venise lui donne un sens particulier. Ce n'est pas la tirade
d'un juif face à ses bourreaux - comme on pourrait être
tenté de le croire -, mais celle d'un juif meurtri par la fugue
de sa fille, et qui cherche à justifier son envie de revanche
vis-à-vis d'Antonio (« Et si vous nous faites du tort,
ne nous vengerons-nous pas ? »). En d'autres termes, Shylock
n'est pas en train de dire à Antonio : "arrêtez de
me maltraiter, je suis humain comme vous" mais "vous m'avez
méprisé, ça m'a blessé parce que je suis
humain et vous allez le payer cher". Lubitsch et ses co-scénaristes
donneront à cette tirade un autre sens en en changeant le contexte
dans To be or not to be.
Exemples de dialogues-paiements
Ainsi, certains dialogues, d'une platitude extrême hors de leur contexte, sont particulièrement savoureux quand on a vu ce qui les précède ou les entoure. En voici quelques exemples.
A la fin du même Marchand
de Venise (V/1), Portia réclame à Bassanio, son
mari, le précieux anneau qu'elle lui avait donné. Or nous
savons que Bassanio l'a offert à son avocat en remerciement de
ses services exceptionnels. Nous savons également que ledit avocat
n'était autre que Portia déguisée. C'est donc elle
qui possède l'anneau qu'elle réclame. Bassanio se confond
en excuses. Portia finit par lui tendre l'objet en disant : «
Garde mieux cet anneau que l'autre ».
Dans La main passe,
Francine est surprise par son mari dans un lit qui n'est pas le sien.
Son corsage est dégrafé. De l'air le plus ingénu
qui soit, elle lui dit : « Quoi ?... Quoi ?... Qu'est-ce que
tu vas encore t'imaginer ? ».
Dans Je suis un évadé,
James Allen (Paul Muni) est pris pour un criminel par la police et la
justice alors qu'il est totalement innocent. Victime des pires injustices,
envoyé plusieurs fois au bagne, il finit par s'évader.
Il cherche alors à revoir la femme qu'il aime (Helen Vinson)
pour lui dire adieu. C'est la fin du film. Elle lui demande comment
il arrive à s'en sortir. « Je vole », répond-il.
Dans Ninotchka, Ninotchka
(Greta Garbo), sinistre commissaire soviétique, arrive en mission
en France. Elle est accueillie par trois camarades (Sig Ruman, Felix
Bressart, Alexander Granach), déjà corrompus par l'hédonisme
et le capitalisme parisiens. Ils sont tous les quatre dans la suite
royale d'un grand hôtel quand ils décident de commander
des cigarettes. Arrivent alors trois vendeuses de cigarettes, jeunes
et enjouées, en tenue de call-girl. Elles s'interrompent en voyant
Ninotchka tandis que les trois camarades baissent la tête, honteux.
Ninotchka dit alors : « Camarades, vous avez dû beaucoup
fumer ».
Dans Le dictateur,
Hynkel (Charles Chaplin) vient de danser avec la femme de Napaloni (Grace
Hayle) dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle manque de grâce.
Il la félicite : « Votre façon de danser, Madame,
était superbe... excellente... très bonne... bonne ! ».
Dans Humulus le muet,
Humulus ne peut prononcer qu'un mot par jour. Il a décidé
d'économiser ses mots pendant un mois pour pouvoir faire une
déclaration à celle qu'il aime. Le jour J arrive. Humulus
fait sa déclaration. La bien-aimée sort alors un cornet
acoustique et dit : « Voulez-vous répéter s'il
vous plaît ? ».
A la fin de Certains l'aiment
chaud, Jerry (Jack Lemmon) aimerait vivement qu'Osgood (Joe Brown),
qui le prend pour une femme, cesse de lui faire des avances. Il essaie
toutes sortes d'arguments mais cela ne prend pas. En désespoir
de cause, il lui avoue alors son identité sexuelle. Osgood, pas
choqué du tout, lance alors le légendaire : « Personne
n'est parfait ».
A la fin de Spartacus
(1960), l'armée des esclaves menée par Spartacus (Kirk
Douglas) est défaite par les soldats de Crassus (Laurence Olivier).
Les survivants sont faits prisonniers. Promesse leur est alors donnée
qu'ils échapperont au crucifiement s'ils désignent le
corps, vivant ou mort, de leur chef. Spartacus va pour se dénoncer
quand Antoninus (Tony Curtis) se lève et crie : « Je
suis Spartacus ! ». Puis un autre prisonnier en fait autant.
Puis un troisième. Rapidement, c'est tous les esclaves qui crient
« Je suis Spartacus ! ». Au début du tout
dernier épisode de la série télévisée
Spartacus, La guerre des damnés, Steven S. DeKnight
rend hommage à ce dialogue en lui donnant un sens différent.
On y voit plusieurs esclaves attaquer des villas romaines au même
moment en clamant tous qu'ils s'appellent Spartacus.
Dans Astérix légionnaire,
Obélix est présenté à Falbala dont il est
amoureux. Il tend la main en disant : « Wkrstksft ».
A la fin de Frenzy,
le protagoniste (Jon Finch) est surpris par l'inspecteur Oxford (Alec
McCowen) à côté du cadavre d'une jeune femme fraîchement
étranglée par une cravate. Il est de nouveau en mauvaise
posture. Soudain, les deux hommes entendent du bruit. C'est Rusk (Barry
Foster), le véritable assassin, qui arrive avec une malle. «
M. Rusk, vous ne portez pas votre cravate » lui fait remarquer
l'inspecteur. Cut. Générique de fin.
Dans L'emmerdeur,
Milan (Lino Ventura) est tueur à gages. Il doit abattre un homme
de la fenêtre de son hôtel. Problème, son voisin
de chambre est un certain Pignon (Jacques Brel), un pauvre type qui,
à coup de suicide manqué, risque de compromettre la mission
de Milan. D'ailleurs le garçon d'étage (Nino Castelnuovo)
est prêt à appeler la police. Milan prend le garçon
d'étage à part et avec un air totalement glacial - grâce
soit rendue à Lino Ventura -, dit : « Ce qu'il lui faut...
c'est un peu de chaleur humaine. Je m'en occupe ».
A la fin de Viva papa !,
Achille Talon est « chaleureusement » embrassé par
une jolie Tapasambalienne. Embarrassé par cette scène
aussi osée, Fonske déclare : « Heu... tiens,
comme la gauche du ciel est à l'ouest, aujourd'hui... ».
A la fin de La chèvre,
Perrin (Pierre Richard) en a déjà fait voir de toutes
les couleurs au détective privé Campana (Gérard
Depardieu). Soudain, il voit un serpent qui s'approche de la jambe de
Campana. Il invite celui-ci à ne plus bouger, pointe son revolver
et tire. La balle traverse le mollet de Campana, qui soupire et dit
: « J'avais une vie un peu plate avant de vous rencontrer,
Perrin ».
Dans Le Père Noël
est une ordure, Thérèse offre à Pierre,
pour Noël, une sorte de tricot de fabrication artisanale. Et Pierre
de commenter : « Oh... eh bien écoutez Thérèse,
une serpillière, c'est formidable, c'est superbe, quelle idée
! ». Dans le même film, Pierre reproche à Félix
(Gérard Jugnot) de régler ses problèmes conjugaux
de façon trop brutale. Pierre, lui, n'a pas l'habitude de s'expliquer
à coup de fer à repasser. "C'est parce que vous
n'êtes pas bricoleur" rétorque Félix. Cet
exemple montre qu'un dialogue-paiement peut être le paiement d'une
suite de dialogues autant que d'une situation.
A la fin de Memento, qui raconte à l'envers l'aventure
d'un homme souffrant de perte de mémoire immédiate (Guy
Pearce), le protagoniste dit : "Bon, où en étais-je
?". C'est le tout dernier dialogue du film.
La scène de traduction de La
vie est belle (1997) citée en exemple page 316 est un
magnifique exemple de dialogue-paiement.
On remarquera que ce type de dialogue s'apparente à celui des dessins humoristiques. Dans ceux-ci, le dialogue est souvent banal. C'est le décalage qu'il crée avec le dessin qui donne à l'ensemble sa saveur. Comme, en outre, on regarde toujours le dessin avant de lire le dialogue, on peut considérer celui-ci comme un dialogue-paiement. Sempé est l'un des maîtres en la matière.
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EXTRAIT DU LEXIQUE
Ironie dramatique (dramatic irony) : procédé
qui consiste à donner au spectateur une information qu'au moins
l'un des personnages ignore (consciemment), donc à donner
au spectateur de l'avance par rapport à un personnage
ou plus. L'ironie dramatique comprend trois phases : installation,
exploitation, résolution. L'ironie dramatique se
formule de la façon suivante : "Nous savons que ceci-cela,
tel personnage l'ignore". 32, 159, 200, 205, 286-344,
358, 369, 380, 389, 390, 407, 429, 441, 463
Ironie dramatique diffuse (diffuse dramatic irony) : situation
d'ironie dramatique dans laquelle le spectateur sent/devine/comprend
- au lieu de sait - quelque chose que certains personnages ne
sentent/devinent/comprennent pas. L'ironie dramatique diffuse vient
du recul que tout spectateur possède sur les personnages
d'une uvre dramatique. L'ironie dramatique diffuse se formule
de la façon suivante : "Nous sentons que ceci-cela, tel
personnage ne le sent pas". 326-331, 344, 345, 358-359,
363, 389, 390, 429
Jalon (main marker ou milestone) : nud dramatique
important du deuxième acte qui, en général,
commence ou conclut une séquence. Cf Climax médian.
379-381
Littérature : tout ce qui est écrit pour être
lu (à voix haute ou à voix basse) et non vu et/ou entendu.
Cf. Dramaturgie et Exposition. 24, 31, 34, 118, 253, 342,
383-385, 396, 442-448, 459
MacGuffin : au sens strict hitchcockien, le MacGuffin est un
secret qui motive les méchants (mais rarement le protagoniste)
et qu'il n'est pas nécessaire de communiquer au spectateur. Au
sens large, toute justification des prémisses conflictuelles
externes d'une uvre. Cette justification est souvent négligeable
parce que ce sont les motivations du protagoniste qui
intéressent le spectateur, pas celles des sources d'obstacles
externes. 86-88, 236, 241
Méchant (villain) : personnage faisant le mal
et constituant le plus souvent une source d'obstacles pour le
protagoniste. 42, 43, 74, 84, 87, 100, 102-106, 157
Mélodrame : genre dramatique caractérisé
par l'accumulation d'obstacles externes, plus particulièrement
les injustices de la vie et les hasards malheureux. La passivité
devant ce type d'obstacle renforce la sensation de mélodrame.
34, 77-80, 100, 130, 287, 288-291, 373, 458
Mid-act climax : cf. Climax médian.
Milking : anglicisme (mulsion, en français) désignant
le procédé qui consiste à exploiter au maximum
un élément (décor, personnage, situation,
etc.), à lui faire donner le plus de jus possible, à faire
feu de tout bois, à monter les ufs en neige. Synonyme d'exploitation
optimale et forme de créativité. Cf. Tricotage.
23, 275-282, 298, 367, 475, 482
Moment de choix : nud dramatique au cours duquel l'un
des personnages, souvent le protagoniste, est poussé
à prendre une décision capitale pour lui ou pour l'action.
Coïncide parfois avec le climax ou le point de non retour.
168, 189-190
Motivation : ce qui anime un personnage et justifie ses
actions. Ce peut être une émotion, un enjeu
ou un objectif. Ce peut être conscient ou inconscient (selon
la taille de la poupée russe). La motivation est une notion importante
liée au travail de caractérisation mais aussi à
la participation du spectateur. 64-65, 121
Moyen : démarche utilisée par le protagoniste
(local ou général) pour atteindre son objectif.
Difficile à atteindre, il devient un sous-objectif. Mal
choisi, il fait partie des obstacles internes. 66-67,
121, 175, 325, 380
Mystère : procédé qui consiste à
faire comprendre au spectateur qu'il ignore une ou plusieurs informations.
La formulation pourrait en être : "Que font-ils ? Nous ne
savons pas" ou "De quoi parlent-ils ? Nous ne savons pas"
ou "A quoi correspond cette image ? Nous ne savons pas". Le
mystère crée une curiosité intellectuelle. La résolution
d'un mystère est un éclaircissement, très
rarement surprenant. 237, 317, 335-344, 422, 474
Nud dramatique (plot point) : information ou événement
qui altère la course du protagoniste et fait avancer l'action.
On parle parfois de temps (beat, en anglais) quand le nud dramatique
est petit. De fait, un nud dramatique peut prendre la forme d'un
simple mot, d'un clignement d'yeux, d'une intonation (cf. Pour
un oui ou pour un non) - s'ils sont signifiants - jusqu'à
une catastrophe nucléaire mondiale (incident déclencheur
du Jour d'après). Cf. Accroche, Chute, Climax,
Climax médian, Coup de théâtre, Incident déclencheur,
Installation d'ironie dramatique, Jalon, Moment de choix, Passage premier
acte-deuxième acte, Point de non retour, Scène obligatoire.
167-191, 297, 379, 420
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