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ÉVALUER UN SCÉNARIO

EXTRAITS

EXTRAIT DE L'INTRODUCTION
EXTRAIT DU CHAPITRE 1 : AUTHENTICITÉ
EXTRAIT DU CHAPITRE 2 : SYMPTÔME, DIAGNOSTIC ET PRESCRIPTION
EXTRAIT DU CHAPITRE 3 : LECTURE
EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : COMPTE RENDU
EXTRAIT DU CHAPITRE 5: QUELLE FORMATION ?
EXTRAIT DU CHAPITRE 6: AUTO-ÉVALUATION

 


EXTRAIT DE L'INTRODUCTION

"Lire" comme un enfant de CE 2 ?

Pour pouvoir conduire une automobile, on doit suivre une formation et obtenir un permis. Pour déchiffrer une partition de musique avec aisance, on doit posséder des dispositions naturelles et avoir été formé au solfège. Pour exercer la médecine, on doit confronter son envie à une longue formation et obtenir un diplôme. Pour "lire" un scénario, on doit... euh... aimer le cinéma et savoir lire la langue dans laquelle le scénario est écrit ? En gros, comme un enfant de CE 2 ? Sérieusement ?

Dans son Autoportrait, Claude Berri [1] cite le Journal littéraire de Paul Léautaud : "Il n'y a encore que les gens qui écrivent qui sachent lire". Et Berri de commenter : "Je suis bien d'accord avec lui. Combien de producteurs savent lire ?". Berri aurait pu ajouter que la situation est pire dans le domaine du cinéma que dans celui de la littérature. Car la majorité des lecteurs de roman sont formés à l'école. Nos enfants y apprennent à écrire leur langue et à la lire. Même si tout le monde n'est pas romancier, nous avons tous été formés à la littérature. En revanche, les formations à la dramaturgie et surtout à la narratologie sont récentes dans le système scolaire français et anecdotiques si on les compare à l'enseignement de la littérature. Les instituteurs sont aujourd'hui formés aux principes fondamentaux du récit mais beaucoup continuent à penser que le théâtre est plus proche de la littérature que du cinéma. Bref, on ne peut pas dire que nos enfants soient solidement formés à lire ou à écrire de la dramaturgie. Or il s'agit bien de deux langages différents.

L'évaluation de ce langage spécifique est une activité humaine qui, comme toutes les activités humaines, demande des dispositions naturelles, possède des règles et peut s'apprendre, consciemment ou inconsciemment, même si, comme toute activité humaine, elle exige aussi des aptitudes de départ que tout le monde ne possède pas.

(...)

Pas moins de trois langages à maîtriser

Reprenons notre analogie musicale. Quand on donne une partition à lire à un professionnel de la musique, celui-ci doit en réalité utiliser (donc, maîtriser) trois langages. Il doit d'abord lire les notes. Il doit ensuite entendre de la musique dans sa tête. Enfin, il doit apprécier la composition, le travail de structure et d'harmonie, la qualité des arrangements et de l'orchestration.

Il en est de même pour un scénario. Son lecteur doit d'abord en comprendre la langue, en déchiffrer les mots et les phrases. Il doit ensuite faire preuve d'imagination. Le scénario étant, au minimum, le plan du film en devenir, son lecteur doit visualiser sa mise en images et en sons, son incarnation par les comédiens, sa mise en rythme. Enfin, si le scénario n'est pas seulement un plan mais également un récit (cf. plus haut), le lecteur doit évaluer la construction de ce récit, la qualité de sa composition dramaturgique. Les lecteurs de scénario étant rarement analphabètes, le premier langage ne pose pas de problème. C'est bien évidemment sur les deux derniers langages, surtout sur le troisième, que la carence est aiguë.

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EXTRAIT DU CHAPITRE 1 : AUTHENTICITÉ

Qu'est-ce que l'authenticité au juste ?

Etre authentique consiste donc à entendre son ressenti sincère. Mais pas seulement. Cela consiste aussi à l'accepter. Les deux conditions sont indispensables. En 1959, à propos du Pigeon, un critique [46] écrit dans les Cahiers du cinéma : "Je ne crois pas que Le pigeon soit un très bon film. Je crois même que dans cinq ans, nous ne comprendrons plus comment nous avons pu rire autant. Même aujourd'hui, je suis persuadé que plusieurs visions le rendraient très vite insupportable. Pourtant, il faut bien l'avouer, j'ai pris un très grand plaisir à ce film qui, dans son principe et dans son exécution, va à l'encontre de tout ce que, par ailleurs, je peux défendre". Quelle détresse ! Quelle schizophrénie ! Le problème n'est pas que ce critique ait manqué de flair sur un film devenu classique. Il a entièrement le droit de ne pas aimer et même de faire un mauvais pronostic. Dans ce domaine, il n'est ni le premier, ni le dernier. Mais nous avons affaire à un homme qui prend du plaisir à la vision d'un film, "un très grand plaisir " même, et qui, pourtant, le juge mauvais et insupportable. Une telle malhonnêteté émotionnelle étalée au grand jour relève de l'internement psychiatrique. Avec obligation de copier tous les jours cent fois la phrase de Jean Racine [33] : "La principale règle est de plaire et de toucher".

Autre anecdote (et autre attitude), en 1994, au Festival de Cannes, un critique assiste à la projection d'un des films de la sélection. Il passe un très bon moment. A la sortie de la projection, il fait part de son appréciation à la stagiaire qui l'accompagne - et de qui je tiens l'anecdote. Puis il retrouve ses camarades critiques autour d'un café. Tout le monde commente le film et s'échauffe. Le lendemain, le critique qui avait apprécié le film fait un papier négatif dessus.

Ces anecdotes ne sont pas isolées. Sous cette forme ou sous une autre, cette position inauthentique sévit tous les mercredis et pas seulement chez les critiques. Nous connaissons tous des amis qui osent avoir un avis définitif sur des films qu'ils n'ont même pas vus. Ou qui portent aux nues un film "difficile" pour la raison inavouée qu'il n'a aucune chance de plaire au peuple. Ou qui regardent le film d'un théoricien du scénario en l'attendant au tournant - j'ai les noms ! Ou qui méprisent un film parce que son réalisateur n'a pas obtenu le "final cut" (cf. Spartacus (1960) ou La poursuite impitoyable). Ou qui mettent quatre étoiles aux Amants du Capricorne parce que c'est "signé" Alfred Hitchcock et non Alan Smithee. Ou qui abordent l'évaluation d'un scénario avec malveillance pour la raison qu'il ne bénéficie pas de l'anonymat et qu'il est signé d'un auteur qu'ils n'apprécient pas. Dans tous les cas de ce type, j'affirme que les récepteurs ont tort. Leur opinion n'a aucune valeur parce qu'elle est biaisée. Elle n'a même pas de valeur pour eux-mêmes. Mais dans les cas où le spectateur est authentique, il a raison.

(...)

Ressenti subjectif et ressenti objectif

Etre authentique consiste donc à entendre et accepter son ressenti sans a priori. La notion de ressenti est capitale. De même que tout être humain possède inconsciemment les outils de la narration, je suis fermement persuadé qu'il possède inconsciemment les outils du script doctoring. Comme pour l'écriture, la difficulté consiste à utiliser correctement ces outils. Or le ressenti est la porte d'entrée vers les outils artisanaux du script doctoring.

Mais alors, allez-vous me dire, si le ressenti est le critère de référence, cela signifie que l'analyse du script doctor est complètement subjective. Eh bien, non. Pour la raison qu'il existe deux types de ressenti, un subjectif et un objectif. Le ressenti subjectif, c'est celui qui dépend de nos goûts personnels, de nos valeurs, de notre culture, de nos névroses, en bref de notre éducation. Le ressenti objectif, lui, relève d'abord de l'inné. Un nouveau-né sans culture culinaire est déjà capable d'exprimer s'il aime ou pas ce qu'on lui donne à manger. Dans le cas du script doctoring, le ressenti objectif est celui qui repose sur les principes universels et intemporels du récit. Une spectatrice qui n'a aucune éducation cinéphilique mais qui sait, ne serait-ce qu'inconsciemment, ce que sont l'anxiété et la frustration, les rapports de causalité et tout ce qui constitue la vie des êtres humains, cette spectatrice est capable de recevoir et d'apprécier une œuvre dramatique bien écrite. Si le ressenti objectif n'existait pas, alors deux spectateurs totalement différents l'un de l'autre (âge différent, sexe différent, valeurs différentes, etc.) ne pourraient pas vibrer ou rire aux mêmes situations. C'est la raison pour laquelle les films de Charles Chaplin ont été aussi populaires entre 1915 et 1940 auprès de toutes les catégories de population du monde entier, des plus frustes aux plus cultivées.

Bien sûr, le ressenti d'un lecteur ou d'un spectateur est la somme des deux ressentis dont je viens de parler, le subjectif et l'objectif. Les deux se mélangent lors de la réception d'une œuvre. Mais un bon script doctor doit mettre de côté ses goûts et ses couleurs, et privilégier son ressenti objectif, celui qui se fonde sur les principes universels de la narration et qui peut être partagé par tous. Il est d'autant plus nécessaire qu'il mette son ressenti subjectif de côté que sa tâche consiste en partie à aider l'auteur à faire passer son point de vue à lui. Les goûts et les couleurs qui comptent dans cette activité sont ceux de l'auteur, pas ceux du script doctor.

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EXTRAIT DU CHAPITRE 2 :
SYMPTÔME, DIAGNOSTIC ET PRESCRIPTION


"Je les conjure d'avoir assez bonne opinion d'eux-mêmes pour ne pas croire qu'une pièce qui les touche et qui leur donne du plaisir puisse être absolument contre les règles."
(Jean Racine [18])

"Je vais vous dire ce qui cloche."
(Cheech, Coups de feu sur Broadway)


Avant d'aborder le travail de lecture et plus encore celui du compte rendu, il est capital que vous sachiez faire une distinction infiniment précieuse, celle entre symptôme, diagnostic et prescription. Ou, si vous préférez, teneur du problème - si le symptôme est négatif - explication du problème et solution du problème.

Trois façons de recevoir un scénario ou un film


Je vois trois positions possibles face à un texte ou une œuvre :
1- une position de lecteur/spectateur pur : on reçoit l'œuvre avec son cœur et ses tripes, sans se poser de question. On est dans l'émotion. On s'identifie, on rit, on pleure, on s'ennuie... C'est la position du symptôme, du ressenti, du problème s'il y en a ;
2- une position de critique pur : on reçoit l'œuvre avec son hémisphère gauche. On analyse, on prend des notes pendant la représentation, on éclaire ce qui fonctionne ou pas. C'est la position du diagnostic, de l'explication, de l'analyse ;
3- une position d'artiste pur : on reçoit l'œuvre avec son hémisphère droit. On propose des changements, on "refait le film", on est créatif. C'est la position de la prescription, de la suggestion, éventuellement de la solution.

Souvent, bien sûr, les trois positions se mélangent. Même si un auteur écrit plus pour les spectateurs que pour les critiques ou les créatifs, il écrit pour être vu avec l'ensemble des tripes, du cœur et du cerveau. En outre, un artiste qui voit un film ou une pièce n'a jamais une position d'artiste pur ni un spectateur de spectateur pur. C'est d'ailleurs en partie parce que ces trois positions se mélangent chez tout le monde qu'il est important de les distinguer.

Le symptôme est un ressenti personnel et commence obligatoirement par "Je" : "J'ai ri", "Je ne comprends pas", "Je ne suis pas ému pas ce passage", etc. Le diagnostic est une tentative d'explication : "Il n'y a pas assez de conflit dynamique", "La caractérisation d'Untel est incohérente à partir de la scène 17", "Tel événement est astucieusement préparé". La prescription est une tentative de solution : "Essayez d'inverser les scènes 12 et 20", "Mettez un incident déclencheur", "Exploitez plutôt cette information en ironie dramatique".

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EXTRAIT DU CHAPITRE 3 : LECTURE

Voir le pommier derrière le plant

Vous devez considérer le scénario comme un travail en cours dont le potentiel ne demande qu'à s'épanouir. Une œuvre dramatique est trop souvent lue comme si elle était définitive et allait entrer en production demain. Certes, c'est le cas des pièces de théâtre classiques dont l'auteur n'est plus là pour apporter des corrections. Mais ce n'est pas le cas d'une œuvre toute fraîche. Voyez au-delà du texte, laissez-lui du crédit. Cette incapacité à voir le potentiel d'un texte est l'un des défauts majeurs de nombreux décideurs. Ils veulent être séduits tout de suite et si le verre n'est qu'à moitié plein, ils sont impuissants à le remplir avec leur imagination.

Si vous devez commenter le texte, ne dites pas à l'auteur, sur un ton énervé : "Tu pouvais faire ça et c'est raté". L'imparfait n'est pas de mise. L'auteur a encore l'occasion de faire ça, de réussir et même d'écrire un chef-d'œuvre. Bref, n'en voulez pas à l'auteur d'avoir raté son coup, rappelez-vous qu'écrire, c'est réécrire et qu'un auteur fait des progrès à la fois sur son projet et sur son artisanat. Qu'on se le dise, le tout premier jet du scénario de Citizen Kane était mauvais.

Il arrive, bien sûr, que certains verres soient tellement vides, tellement révélateurs d'une pauvreté artisanale qu'on peut émettre des doutes sur la capacité de leur auteur à remplir le verre un jour. Mais, au moment même de la réception du texte, le lecteur doit être confiant et voir au-delà de ce qui existe en l'état.


Ne pas comparer un pépin avec un pommier


Ce qui m'amène à un autre point très important : on ne compare pas un scénario (et a fortiori un pitch ou un synopsis) à une œuvre achevée. Un jour, dans l'un de mes ateliers, un auteur a pitché son sujet. Cela tenait en quelques lignes. L'un des participants, un producteur, a dit que cela lui faisait penser à Vol au-dessus d'un nid de coucou mais qu'il préférait le film réalisé par Milos Forman. Ben voyons ! Comment peut-on comparer un sujet de film avec un film fini, un pépin avec un pommier ? Est-il besoin de rappeler qu'un pitch consiste à faire tenir un récit en une phrase, qu'un film terminé bénéficie du son, de l'image, de l'incarnation des comédiens et surtout que son scénario a pu être travaillé et retravaillé avant d'entrer en production, et même parfois modifié sur le plateau, sur la table de montage ou au mixage ? Bref, même si un scénario vous fait penser à un film déjà existant, soyez très prudent au moment de les comparer.

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EXTRAIT DU CHAPITRE 4 : COMPTE RENDU

Une forme sincère de dissociation

Imaginez qu'un jour, au cours d'une conférence sur l'évaluation du scénario, vous êtes amené à commenter une demi-douzaine de courts métrages dont les auteurs font partie de l'auditoire. Vous discutez avec chaque auteur de son texte, devant tout le monde. Je vous souhaite qu'à l'issue de la séance, l'un des observateurs vous dise : "Je suis infichu de dire quel scénario vous avez le plus aimé". Imaginez encore que vous animez un atelier d'écriture. Je vous souhaite qu'à la fin de l'année, vos élèves soient impressionnés par votre absence de favoritisme, qu'ils vous disent : "Je n'ai jamais pensé que tu préférais tel ou tel projet, ni même tel ou tel auteur". Ces compliments, parmi les plus beaux qu'on puisse faire à un script doctor, sont de la même eau.

Si vous êtes là pour évaluer le scénario et aider l'auteur, et non pour le juger ; si vous voyez le pommier derrière le plant ou même le pépin ; si vous émettez de la confiance ; si vous mettez votre boîte à outils artisanale et non vos goûts personnels dans ce travail, alors, il sera normal que vos interlocuteurs réagissent comme je viens de l'indiquer. Et il sera même normal que vous y croyiez sincèrement.

Ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est une forme de dissociation. Bien sûr, les bons script doctors ne sont pas des robots. Il y a une partie de vous qui aimera plus ou moins le projet et même qui y croira plus ou moins. Mais on vous demande un avis technique, pas un avis subjectif. Un diagnostic, pas une prévision. Vous devez travailler avec une autre partie de vous-même que celle qui abrite vos valeurs et votre subjectivité. Vous devez travailler avec la partie de vous-même qui croit au potentiel du projet, qui est enthousiaste, tout en restant sincère bien évidemment. Voir le pommier derrière le plant ne consiste pas à dire que le plant est sublime. Si le plant vous semble handicapé, il faut le dire.

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EXTRAIT DU CHAPITRE 5 : QUELLE FORMATION ?


Auto-évaluation (pour les script doctors)

L'atelier d'écriture a un dernier avantage et il est de taille : il permet de s'auto-évaluer en tant que script doctor. Si vous êtes honnête, vous allez vite vous rendre compte que vos diagnostics sont régulièrement remis en cause ou, au contraire, qu'ils rencontrent l'approbation des membres de l'atelier et sont utiles à vos camarades auteurs.

Si vous réalisez que vous n'avez pas les aptitudes et que vous êtes producteur, il vous restera à faire appel à des script doctors compétents. Si vous réalisez que vous n'avez pas les aptitudes et que vous êtes décideur - c'est-à-dire si une partie de votre activité consiste à évaluer des scénarios pour décider s'ils méritent d'être soutenus financièrement -, vous pouvez avoir la sagesse de changer d'activité. Et si vous réalisez que vous avez les aptitudes, formidable ! Le monde a besoin de bons lecteurs de scénario et de bons script doctors.

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EXTRAIT DU CHAPITRE 6 : AUTO-ÉVALUATION


J'ai écrit page 37 que pour se rendre compte qu'un récit fonctionne, un algorithme ne suffit pas, il faut aussi être touché au cœur, préférablement de façon objective. Cette réflexion s'applique au travail des lecteurs et des script doctors. Mais est-ce vrai aussi pour un auteur ? Est-ce que le fait qu'un texte touche son propre auteur est une garantie suffisante de qualité ? Non, bien sûr. Alors que nous manquons tous de recul sur nos créations, nous ne pouvons nous empêcher d'avoir de l'affection pour elles. Une affection compréhensible mais souvent déraisonnable. Donc, pour un auteur, je retourne la phrase : pour se rendre compte que son propre récit fonctionne, il ne suffit pas que l'auteur soit touché au cœur, il faut aussi qu'il ait respecté quelques principes.

Les auteurs font ce test plus ou moins consciemment. A toutes les étapes de l'écriture et à toutes les échelles, un auteur ne cesse d'alterner création et auto-analyse, hémisphère droit et hémisphère gauche. L'activité d'un auteur est donc double. Et doublement ardue. Il me paraît aussi difficile de trouver de bonnes idées que d'avoir du recul sur son travail. C'est pourquoi j'invite tellement les auteurs à faire lire leurs textes. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'un lecteur (ou même un spectateur) a toujours raison. Mais il est clair qu'un lecteur a une distanciation dont aucun auteur ne bénéficie.

Les diagnostics des pages 43 à 49 sont destinés aux lecteurs/script doctors. Malgré cela, je me suis rendu compte que beaucoup d'auteurs ont acheté la première édition de ce livre pour pouvoir évaluer non pas le scénario d'un autre mais leur propre scénario. Les questions de ce chapitre sont donc conçues pour les auteurs qui ont un premier jet de récit complet. Y réfléchir et y répondre vous aidera à être le comptable de votre poésie spontanée (pour reprendre Billy Wilder [49]), à mettre un peu de conscience dans la relecture et la réécriture de votre texte.


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